Photo Adobe Stocks / Prostock-studio
Quel est le rôle de l’orthophoniste face à un enfant présentant des troubles « dys » ? Quel suivi peut-il organiser ? Que faire face à des troubles plus complexes ? Quel est le rôle des parents ? Stéphanie Boutiarès, orthophoniste exerçant à Blagnac (Haute-Garonne), répond à nos questions.
« Le succès d'une rééducation dépend aussi d'une bonne communication entre l'orthophoniste, les parents et les enseignants »
Quel est le rôle d'un orthophoniste face à un enfant présentant des troubles « Dys » ?
Stéphanie Boutiarès :L'orthophoniste qui exerce en cabinet libéral a pour rôle d'aider l'enfant « dys » et sa famille à prendre conscience des points faibles et des points forts qui le caractérisent au travers d'un bilan orthophonique initial. Puis, par des séances de rééducation plus ou moins nombreuses, le professionnel se propose de leur apporter des stratégies pour compenser les difficultés d'apprentissage mises à jour. La plupart du temps l'entraînement orthophonique se fait individuellement une à deux fois par semaine auprès de l'enfant pour développer avec lui des stratégies de compensation qui atténueront son trouble et lui permettront d'accéder aux savoirs (communication, langage, lecture, logique et notions mathématiques).
Quelles sont les personnes qui vous contactent le plus fréquemment ?
Stéphanie Boutiarès :De plus en plus d'enseignants orientent vers les orthophonistes quand ils repèrent des difficultés d'apprentissage chez un élève, que ce soit en maternelle ou lors de l'apprentissage de la lecture ou du calcul, ou bien s'il a des difficultés d'attention. Mais les parents, un pédiatre ou encore un médecin généraliste ou encore un autre professionnel de santé (psychomotricien, psychologue etc.) peuvent aussi nous contacter.
Que se passe-t-il ensuite ?
Stéphanie Boutiarès :L'orthophoniste va alors faire un bilan initial sur prescription médicale. Celui-ci se compose d'un entretien, plus ou moins approfondi avec les parents, que l'on appelle l'anamnèse. L'orthophoniste fait ensuite passer des tests à l'enfant, qui sont étalonnés et analysés quantitativement. L'évaluation orthophonique la plus courante est le bilan du langage écrit.
À l'issue de ces tests, nous rédigeons un compte-rendu que nous expliquons oralement aux parents. Le compte-rendu écrit, technique, est très utile aux professionnels mais souvent peu compréhensible par les parents. C'est pourquoi, j'utilise des schémas pour leur montrer les résultats de leur enfant par rapport à ce qui est attendu d'un élève dans la « moyenne » au niveau d'un apprentissage précis.
L'orthophoniste peut déterminer si l'enfant a un trouble « Dys ». À travers ce bilan et l'entretien avec les parents, il met en évidence les difficultés que rencontre l'enfant ainsi que ses points forts. Il est important de considérer l'enfant dans sa globalité dont ses traits de caractère.
Quand nous sommes confrontés à des troubles complexes, il faut parfois orienter l'enfant vers un autre professionnel pour faire un bilan complémentaire, qui peut être un psychomotricien (spécialiste des troubles de l'attention et de la motricité), un psychologue ou un neuro-pédiatre. En cas de doute, il est préférable de laisser le temps de la rééducation pour établir s'il s'agit d'un trouble, qui est permanent, ou d'un simple retard qui, lui, est passager.
Comment se déroule la rééducation ?
Stéphanie Boutiarès : S'il s'agit d'un trouble ordinaire, l'orthophoniste met en place une première série de trente séances avec des objectifs, ce qui est codifié par la nomenclature de la Sécurité sociale, et remboursé aux parents. Ces séances durent généralement une demi-heure au rythme régulier d'une séance hebdomadaire pour s'entrainer comme « une activité sportive ». Lorsque le trouble est assez important, comme un trouble du langage oral chez un enfant de trois ans ou quand l'enfant à des difficultés en lecture et en mathématiques, par exemple, l'orthophoniste peut proposer deux séances par semaine.
La séance se déroule généralement sous forme de jeux. Le jeu confronte l'enfant à ses difficultés mais celui-ci apprend en jouant et sa mémoire se développe par des stratégies visuelles, gestuelles et ludiques.
Ma pratique, depuis vingt ans, m'a amené à faire le point régulièrement avec les parents à la fin de la séance pour parler avec les parents des devoirs et des difficultés de l'enfant à l'école ainsi que de la manière dont se mettent en place les stratégies que nous avons définies ensemble. La communication avec les parents est essentielle pour une rééducation efficace.
Quels sont les éléments d'une bonne communication avec les parents ?
Stéphanie Boutiarès : Une communication claire, qui répond aux questions des parents, est importante lors du compte-rendu à l'oral du bilan. Il est essentiel d'expliquer les difficultés rencontrées par l'enfant et dire, d'emblée, qu'il n'y est pour rien, que des causes neurodéveloppementales sont à l'origine des troubles. Concernant les devoirs à la maison, j'indique aux parents qu'il faut sans doute être moins exigeant et surtout l'aider à reprendre confiance en lui. J'implique dès le départ les parents dans la rééducation ; plus ils vont soutenir leur enfant et développer des stratégies pour lui faciliter la vie au quotidien et lui permettre de compenser progressivement ses difficultés, plus le travail sera une réussite. Un enfant qui voit ses parents s'investir dans sa rééducation et sa scolarité sera d'autant plus motivé.
Je communique également avec des enseignants par téléphone.Des aménagements scolaires sont parfois nécessaires pour permettre aux enfants « dys » d'apprendre sur un pied d'égalité avec leurs pairs ; la coopération « enseignant-orthophoniste » est alors intéressante pour généraliser les stratégies rééducatives et permettre les progrès de l'enfant dans ses apprentissages.Les enfants porteurs de troubles « dys » ont toute leur place à l'école. De même qu'un enfant portant des lunettes ne peut pas travailler s'il est au fond de la classe sans lunettes, un élève « Dys » ne peut pas mettre en œuvre son intelligence et sa mémoire s'il n'a pas des aménagements propres à ses troubles. Le succès d'une rééducation dépend aussi de la bonne communication entre l'orthophoniste, les parents et les enseignants.
Propos recueillis par Jean-Bernard Gallois