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Photographie de Rebecca Shankland

Rebecca Shankland © UGA Thierry Morturier

L’Observatoire du bien-être à l’École a créé le programme "Tous épanouis à l’École" (TEAL) qui repose sur des pratiques de développement de compétences psycho-sociales et fonctionne sur la base d’ateliers menés en classe où tous collaborent. Sa responsable, Rebecca Shankland, en explique le fonctionnement et souhaite que de véritables formations et un accompagnement soient délivrés à l'ensemble des membres des équipes pédagogiques, du temps scolaire et du temps périscolaire.

Quelle est la mission de l'Observatoire du bien-être et votre rôle au sein de celui-ci ?

La mission de l'Observatoire du Bien-être à l'École (OBE) est d'accompagner les établissements scolaires qui souhaitent améliorer le bien-être des personnels et des élèves en s'appuyant sur les données des recherches actuelles, sur les pratiques de développement des compétences psychosociales validées et grâce à un travail collaboratif entre les professionnels des établissements concernés et les chercheurs et experts de l'éducation de l'Observatoire.

Je suis professeure en psychologie du développement et au sein de l'OBE, mon rôle est de rassembler les demandes faites par les établissements afin de mettre les acteurs en relation avec des chercheurs et professionnels spécialisés dans le thème et l'âge concerné. De plus, l'objectif est de regrouper des demandes de plusieurs territoires ou académies afin de permettre un partage interacadémique autour des besoins, des expériences et des réflexions de manière à pouvoir répondre au mieux aux demandes tout en tenant compte des possibilités d'implication des chercheurs et des professionnels.

"Chaque membre de la communauté a un rôle à jouer pour contribuer au développement d'un environnement scolaire sécurisant et soutenant"

En quoi consiste le programme "Tous épanouis à l'école" sur la prévention du harcèlement scolaire développé par l'Observatoire du bien-être à l'École ?

Il a pour objectif de favoriser un environnement scolaire sécurisant et propice au développement de relations solidaires et soutenantes entre les élèves, afin de prévenir le harcèlement scolaire. Le programme TEAL s'inscrit dans une démarche globale de promotion du bien-être en milieu scolaire à travers le développement des compétences psychosociales essentielles pour lutter contre le harcèlement scolaire.

Il se fonde sur une perspective communautaire du harcèlement scolaire, le concevant comme un phénomène de groupe façonné par des normes d'exclusion. Dans cette perspective, chaque membre de la communauté (élèves, équipe pédagogiques et éducative, parents...) a un rôle à jouer pour contribuer au développement d'un environnement scolaire sécurisant et soutenant, ancré sur les valeurs de solidarités, d'entraide et de bienveillance.
Le cœur du programme repose sur des ateliers menés en classe, où élèves et enseignants collaborent activement. Chaque séance s'articule autour d'activités ludiques et expérientielles. Ces dernières visent à encourager, tant parmi les élèves qu'avec l'enseignant, l'instauration de relations constructives.

Quels en sont les résultats ?

Depuis septembre 2022, le programme, fondé sur des pratiques de développement des compétences psychosociales ayant fait la preuve de leur efficacité en y ajoutant des dimensions psycho-éducatives spécifiques à la prévention du harcèlement scolaire, a été soumis à une phase d'expérimentation au sein de 17 établissements scolaires relevant des académies de Lyon et de Grenoble.

Un total de 29 classes, comprenant des élèves des niveaux CM1 et CM2, ont eu l'opportunité de bénéficier de ce programme. Une seconde étude expérimentale impliquant 20 classes expérimentales et 20 classes contrôles sera mise en œuvre prochainement dans l'académie de Lyon grâce à la formation d'enseignants de CM1 et CM2, et dans l'académie de Grenoble grâce à la formation des étudiants en santé dont une partie réalisera le service sanitaire dans les classes de CM1 et CM2 sur ce thème. Ces programmes seront évalués et permettront de connaître les effets de ce programme en France afin de pouvoir le diffuser à d'autres académies s'il s'avère particulièrement utile. Il pourra alors s'inscrire dans le programme Phare, déployé au sein de l'Éducation nationale, qui indique l'importance du développement des compétences psychosociales en prévention du harcèlement scolaire.

"L'empathie seule n'est pas suffisante pour prévenir les situations de harcèlement" 

Que pensez-vous des mesures gouvernementales récemment annoncées ?

L'introduction de "cours d'empathie" en maternelle est une initiative intéressante, mais il est crucial de considérer que le développement des compétences psychosociales ne se limite pas à l'empathie seule. Pour lutter efficacement contre le harcèlement scolaire, il est impératif de développer un ensemble de compétences psychosociales, telles que le développement des comportements prosociaux, la capacité de communiquer de manière constructive et la régulation des émotions. En effet, l'empathie seule n'est pas suffisante pour prévenir les situations de harcèlement car l'empathie est plus importante pour les personnes qui nous sont proches ou qui nous ressemblent. Nous éprouvons alors plus d'empathie pour certaines personnes et cela peut amener à des situations de violence envers d'autres pour défendre une personne qui nous est proche.

De plus, même lorsque l'on a compris et intégré les normes morales et les comportements souhaités pour permettre des relations constructives, si l'on manque de compétences de régulation des émotions, on peut avoir des comportements agressifs envers les autres. Il est donc nécessaire de travailler sur l'ensemble des compétences psychosociales, à la fois cognitives comme l'auto-régulation des comportements et la capacité à résoudre des problèmes, les compétences émotionnelles comme la gestion du stress et des émotions, et les compétences sociales comme la communication constructive et la résolution de conflits.

Par ailleurs, pour prévenir le harcèlement il est important de ne pas seulement aider chaque enfant à développer ses compétences individuellement, mais aussi de travailler à rendre la communauté scolaire globale plus sûre et plus bienveillante.

Des formations aux personnels scolaires seraient-elles nécessaires ?

Cela implique, en effet, de véritables formations et un accompagnement délivré à l'ensemble des membres des équipes pédagogiques, du temps scolaire et du temps périscolaire, comme nous proposons de le faire pour le programme TEAL et comme le propose le programme danois Fri For Mobberi. Si on s'en tient à des leçons brèves adressées aux élèves, on risque de n'avoir un effet que marginal sur le risque de harcèlement.

Enfin, qui dit "cours" peut vouloir dire évaluation, ce qui n'aurait pas de sens concernant ce type de compétences transversales, et l'empathie n'est pas une notion qui s'apprend comme les savoirs académiques traditionnels. Pour développer les compétences psychosociales on utilise des séquences ludiques, mobilisant le corps, des jeux de rôle, des supports comme des ouvrages de littérature jeunesse, des planches de discussion. Il s'agit moins de faire cours sur l'empathie que de créer des dynamiques constructives dans la classe et entre les élèves de l'établissement.

Par exemple, au collège Saint-Exupéry à Saint-Laurent-du-Var, les élèves de 3e ont proposé de parrainer les élèves arrivant en 6e. Ils ont ainsi mis en place un projet "grands frères, grandes sœurs" pour accompagner au mieux l'arrivée des élèves au collège en créant un environnement sécurisant, en apportant leur soutien et cela a été particulièrement efficace pour réduire les situations de rejet et de harcèlement.  

Quel doit être, selon vous, le rôle des professionnels de l'éducation dans la lutte contre le harcèlement scolaire ?

Ils ont un rôle clé à jouer, car souvent nous pensons que les relations entre élèves vont se faire d'elles-mêmes, à la récréation ou à travers le travail collaboratif en classe. Mais lorsqu'on ne propose pas un cadre spécifique favorable au développement de relations de soutien mutuel, les relations peuvent rapidement se dégrader et donner lieu à une organisation par petits groupes qui ne se mélangent pas et avec certains élèves qui ne font partie d'aucun groupe et qui se trouvent mis de côté et à risque de harcèlement.

Les professionnels de l'éducation peuvent éviter cette dynamique en proposant un travail sur le développement de relations constructives au sein de la classe grâce à des ateliers de développement des compétences psychosociales, notamment des compétences émotionnelles pour apprendre à gérer ses émotions, ses frustrations, son stress, sans que cela ne retombe sur d'autres élèves, et des compétences sociales comme l'empathie, la coopération, la résolution de conflits, la capacité à résister à la pression du groupe et à s'affirmer.

De plus, il est essentiel de travailler sur le développement de relations de qualité à tous les niveaux, donc notamment en s'appuyant sur une dynamique constructive pouvant être initiée par le chef d'établissement, une dynamique de soutien de la part de l'inspection et des ressources humaines, et des relations de confiance avec les parents, afin que le climat se trouve apaisée et soutenant à tous les niveaux.

Grâce à cela, les professionnels pourront travailler dans de meilleures conditions et auront davantage la possibilité et la disponibilité pour agir sur le soutien entre élèves et la dynamique constructive au sein des classes.

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