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Fin septembre, le gouvernement a annoncé une dizaine de mesures pour lutter contre le harcèlement physique et le cyberharcèlement. Elles visent à aider les victimes et leurs familles et à punir les élèves harceleurs. Entre un numéro d’appel unique pour les signalements et les rétorsions contre les cyberharceleurs, présentation des mesures phares.
« Une priorité absolue », qui doit donner lieu à « une mobilisation générale » dans la lutte contre le harcèlement scolaire. Le 27 septembre dernier, la Première ministre Élizabeth Borne, entourée de cinq ministres, a présenté le plan ministériel pour s'opposer à ce fléau qualifié de « phénomène massif » par la cheffe du gouvernement. Cet ensemble d'actions intervient après les suicides de plusieurs élèves depuis le printemps dernier. Le plan de lutte gouvernemental, qui s'intitule « 100% prévention, 100% détection et 100% réaction », comprend une dizaine de mesures.
Les principales mesures
Un numéro unique de signalement : le 3018. Actuellement dédié au cyberharcèlement, ce numéro remplace le 3020 (anciennement pour les familles et victimes) et sera accompagné d'une application sur smartphone.
Une grille d'autoévaluation le 9 novembre prochain. Tous les élèves du CE2 à la 3ème devront remplir une grille d'autoévaluation anonyme qui leur permettra de signaler leur mal-être et à l'équipe pédagogique de repérer des « signaux faibles ». Ce dispositif existait déjà mais reste méconnu.
Des « cours d'empathie ». Gabriel Attal, le ministre de l'Éducation nationale, a annoncé la création de ces cours comme au Danemark où ils ont eu du succès (voir article suivant). Une école pilote sera lancée dans chaque département dès la rentrée 2024 avec des cours d'empathie délivrés chaque semaine.
Saisine du procureur de la République. La Première ministre a annoncé la saisine systématique du procureur de la République en cas de signalement de cyberharcèlement, « notamment grâce à une plateforme dédiée entre l'éducation nationale et la justice ».
Bannissement des réseaux sociaux. Dès le début d'un contrôle judiciaire, un juge d'instruction pourra bannir un élève des réseaux sociaux pendant six mois. Le projet de loi pour la sécurisation d'Internet prévoit pour l'instant le bannissement une fois l'auteur des faits condamné.
La confiscation du téléphone. « La confiscation définitive » du smartphone des cyberharceleurs pourra être décidée par la juridiction pour mineur, a annoncé le ministre de la justice, Éric Dupont-Moretti.
Le passeport numérique. Après avoir été testé dans une centaine d'établissements, il sera généralisé à tous les élèves de 6ème. Dispensé en salle informatique, « il permettra de bénéficier d'une sensibilisation aux risques et aux gestes à adopter en ligne face à la menace du cyberharcèlement », a indiqué Jean-Noël Barrot, le ministre délégué chargé du numérique.
Le programme pHARe est élargi aux lycées. Mis en place dans les écoles et collèges en 2022, le « programme de lutte contre le harcèlement à l'école » vient d'être élargi aux lycées. Il doit permettre de renforcer les moyens pour prévenir ce fléau. Dans le détail, les établissements signent une charte et s'engagent pour deux ans à constituer une équipe de cinq personnels formés. Chaque année, 10 heures de sensibilisation au harcèlement pour les élèves du CP à la terminale sont, entre autres, organisées. Aujourd'hui, 86% des collèges et 60% des écoles primaires sont inscrits dans le programme, selon les chiffres de l'Éducation nationale.
Le dispositif pHARe prévoit, en priorité, la constitution dans chaque établissement d'une équipe capables de traiter les signalements à l'aide de la « méthode de la préoccupation partagée ». Adaptée de la méthode suédoise Pikas, elle vise à placer les élèves en position de rechercher par eux-mêmes une issue pacifique aux conflits par différents entretiens brefs (5 minutes) avec les élèves. Un bilan est fait deux semaines après le début des entretiens. « L'an dernier, j'ai suivi 310 équipes dans huit académies avec un taux de réussite de 82% pour résoudre les conflits », explique Jean-Pierre Bellon, professeur de philosophie, diffuseur de la méthode en France et consultant du ministère de l'Éducation nationale. Selon certains de ses utilisateurs, elle connait des limites au niveau du collège et lors des cas de cyberharcèlements.
Le harcèlement, un fléau mal chiffré
Selon l'enquête nationale de climat scolaire et de victimation auprès des collégiens pour l'année scolaire 2021-2022 menée par la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), 6,7% des collégiens déclarent cinq violences ou plus de façon répétée. D'autres statistiques datant de 2011 évaluent que ce sont entre 800 000 et un million d'élèves, tous niveaux confondus, qui seraient victimes de harcèlement chaque année, soit 8 à 10% des effectifs. Avec le développement des réseaux sociaux, ces chiffres pourraient être beaucoup plus élevés actuellement. Selon la Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), 25 % des collégiens déclarent avoir connu au moins une atteinte via les nouvelles technologies, et 14 % des lycéens disent avoir fait l'objet d'une attaque sur internet. La DEPP estimait en 2018 qu'entre 2015 et 2018, le nombre de victimes de vidéos, photos et rumeurs humiliantes était passé de 4,1 % à 9 % (9,9 % des filles et 8,1 % des garçons).