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Photographie d'une peinture rupestre

© AdobeStock / bobdu11

Le street art est un réservoir propice à stimuler l’imaginaire et à attiser la curiosité des élèves. En les sensibilisant à ces démarches, en leur expliquant la signification de ces oeuvres, en leur donnant des clés de compréhension de ces univers, vous participez à éduquer leur goût pour l’image, vous encouragerez leur sensibilité artistique, vous éveillerez leur esprit critique et vous les rendrez curieux des petites choses.

Quelques repères historiques 

À quand remontent les premières traces d'art urbain dans l'Histoire ? Les spécialistes ont tendance à se quereller sur ce sujet. 

Ce qu'il faut retenir avant tout, c'est que depuis une cinquantaine d'années, l'art urbain bouscule les codes et se fait petit à petit une place de choix dans le grand monde de l'art contemporain.

Il part pourtant de loin. À ses débuts, et encore maintenant pour de nombreuses personnes, il a été perçu comme un objet de vandalisme et associé à de simples dégradations urbaines. Il faut dire que peindre sur un mur sans autorisation reste un acte répréhensible au regard de la loi. Mais les mentalités évoluent. 

Depuis quelques années, pour d'autres, l'art urbain est devenu un axe de développement pour leurs politiques culturelles et artistiques. Festivals, expositions dans les musées et les fondations, performances publiques et commandes officielles, les artistes trouvent de plus en plus d'espaces pour s'exprimer légalement aux yeux de tous.

Écrire, peindre, dessiner sur les murs, c'est au final une activité vieille comme le monde.

Depuis l'Antiquité, les hommes laissent des traces de leurs passages sur les façades des maisons où ils ont élu domicile. Les inscriptions et les graffitis retrouvés dans les vestiges de Pompéi en sont un parfait exemple.

Mais si on se focalise sur l'intention artistique de ce geste graphique, c'est aux États-Unis, au début des années 60 que l'on trouve réellement les pionniers du mouvement. C'est à Philadelphie et à New York que le graffiti s'est dans un premier temps développé. À l'époque, dans les quartiers populaires et déshérités de ces mégalopoles américaines, une poignée de jeunes adolescents, souvent en marge de la société, décident d'inscrire leurs noms, pseudos ou emblèmes sur les murs de la ville pour simplement, exister. Au départ, l'objectif est juste de laisser une trace, une façon de dire, je suis passé par-là. Mais rapidement, c'est une guérilla urbaine et artistique qui va s'enclencher entre ces artistes improvisés. Cornbread, Futura2000, Phase 2 ou encore Taki 183, le gloire reviendra à celui qui sera le plus vu et qui prendre le plus de risques. 

Dans le prolongement de ce mouvement, de nombreux artistes vont occuper tour à tour le devant de la scène. Un certain Keith Haring va notamment faire parler de lui au début des années 80 en dessinant d'étonnantes silhouettes de bonshommes dans le métro. Proche de Jean-Michel Basquiat et d'Andy Warhol, il restera comme l'un des plus brillants ambassadeurs du street art dans le monde et ses images sont devenues depuis des emblèmes de notre culture populaire.

En traversant l'Atlantique et en entrant au contact de la culture européenne, le street art va connaître quelques métissages et évolutions. En France, dans les années 90, des artistes comme Speedy Graphito, Blek le rat, Miss Tic, Jef Aérosol, Jérôme Messager ou encore Ernest Pignon-Ernest animent ce mouvement naissant et en pleine structuration. Le plus connu de tous est certainement l'artiste britannique Banksy qui depuis la fin des années 90 cultive l'anonymat et fait régulièrement parler de lui au travers de ses interventions toujours parfaitement orchestrées et marquantes, sur des sujets de société qui ne laissent personne indifférent.

Des intentions premières des graffeurs, qui étaient d'envahir l'espace urbain et de laisser une trace de leur passage, les interventions des artistes évoluent progressivement vers des propositions plus engagées, certaines oeuvres sont là pour revendiquer, pour partager des idées, dénoncer, interpeller, choquer ou provoquer ou alors simplement, à d'autres moments, apporter un peu de couleurs et de poésie dans des paysages bétonnés. 

Vandales et vendus… Illégalité du graffiti vs légalité du street art ?

Dans les actes du colloque État de l'art urbain, Oxymores III (Ministère de la Culture et Université de Paris Ouest Nanterre - 13 et 14 octobre 2016), Thierry Dufrêne (Professeur d'Histoire de l'art contemporain) écrit : "Si l'on se met à postuler une pureté originelle du mouvement, marquée au coin anoblissant de la pratique clandestine - le noyau pur et dur des artistes qui « ont fait du train » - […] n'aura-t-on pas la tentation symétrique de rejeter comme de la « récupération » sa commercialisation […] ? N'irait-on pas trop vite en rejetant les formes négociées de l'art urbain, sous le prétexte qu'elles substitueraient un art vendu à un art vandale ? Que se passe-t-il quand l'art urbain n'est justement plus... à la rue ?"

Le passage de l'appellation "graffiti" (des origines de la fin des années 1960 à nos jours), qui désigne un art illégal (de nombreux graffeurs continuent à être condamnés à de lourdes amendes ou même à des peines de prison aujourd'hui), à l'appellation "street art" (ou art urbain - depuis une quinzaine d'années au maximum) désigne effectivement, avant toute chose, une plus grande acceptation sociale de ce moyen d'expression très libre, couplée d'une reconnaissance institutionnelle de qualités artistiques certaines. Un passage de l'illégalité à la légalité, donc, et de l'expression libre et "sauvage" à un travail autorisé, voire relié à une commande publique officielle.

C'est pour son rapport à la légalité qu'un travail sur ce type d'art à l'école de la République valorisera à l'évidence la notion de Street art (ou Art urbain), sans masquer cependant - en Histoire des arts notamment et par souci de vérité historique - ses origines illégales et transgressives (ce qui est historiquement le cas pour de nombreuses autres formes d'art, de la poésie interdite de Baudelaire à l'invention du jazz ou de nombreuses danses populaires) à travers le graffiti.

L'art de la diversité 

Les intentions des artistes de la rue sont aussi nombreuses que les techniques ou les outils qu'ils utilisent. 

C'est aussi ça, l'art urbain, une diversité de propositions, parfois singulières et minimales, parfois gigantesques et ambitieuses. 

Généralement, jamais là où on ne l'attend, l'artiste urbain est toujours prêt à surprendre le passant.

Le street art est par définition un art populaire qui s'offre à tous et à toutes. Il se découvre dans la rue, sur les façades des immeubles, peint sur une devanture de magasins ou posé sur du mobilier urbain.

Parmi les techniques et les outils utilisés par les artistes, la plus répandue et celle qu'on associe naturellement à ce mouvement est la bombe aérosol. Si elle s'avère être parfaitement adaptée pour réaliser de manière habille et rapide un tag, un flop, un blaze ou un graffiti, elle se retrouve vite dépassée lorsqu'il s'agit de recouvrir la façade d'un immeuble de 15 étages. Dans ce cas précis, une nacelle, des rouleaux équipés de manches télescopiques, des litres de peinture et pas mal de patience sont plutôt conseillés. 

Dans la rue, en fonction des supports, il faut savoir s'adapter.

Des artistes comme Blek le rat, Miss Tic, Banksy ou encore C215 ont repris à leur compte et rendu célèbre la technique du pochoir, qui permet de reproduire un dessin avec précision de manière rapide et quasi immédiate. 

Invader, de son côté, a choisi le pixel'art et la mosaïque pour diffuser son oeuvre. Depuis plus de 20 ans, il colle aux quatre coins du globe des petits personnages stylisés que des hordes de fans photographient et flashent avec leurs téléphones après avoir installé l'application dédiée. 

Clet Abraham et Oak Oak, eux, utilisent des collages et des stickers pour réaliser des trompe-l'oeil humoristiques ou détourner la signification des panneaux de signalisation. C'est une manière de rendre l'environnement urbain moins sinistre et d'y glisser une petite touche d'humour.

En 2016, au Caire, El Seed a repoussé assez loin les limites du spectaculaire en réalisant dans un quartier défavorisé un "calli-graffiti" anamorphique géant. Cette oeuvre magistrale s'étend sur plus de 50 bâtiments, elle recouvre tout un quartier et elle n'est clairement visible qu'en se positionnant sur un point précis de la montagne Mokattam qui se situe juste en face.

Bordalo II, artiste portugais basé à Lisbonne, fait parler sa conscience écologique en réalisant des installations figuratives colorées à base de matériaux recyclés et de détritus collectés dans des déchèteries. Il réalise essentiellement des portraits d'animaux, souvent menacés, dénonçant par la même occasion l'attitude des hommes par rapport à la planète.

Il y a comme cela des dizaines d'exemples d'artistes urbains qui s'engagent dans des démarches originales et insolites.

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