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Olivier D'Hondt, alias Le CyKlop, est né au Havre en 1968. Dans la rue, il est connu pour ses interventions ludiques et joyeuses sur les potelets anti stationnement. Une idée simple et originale qu’il a fait sienne et qu’il décline à l’envie depuis presque 10 ans. Rencontre avec cet artiste qui partage avec nous son regard connaisseur sur le monde de l’art urbain.

Depuis quand pratiquez-vous l'art urbain ? Pouvez-vous nous présenter un peu votre parcours ? Votre univers est assez reconnaissable. D'où vous est venue cette idée d'investir ainsi le mobilier urbain ?

J'ai toujours dessiné. Je suis donc devenu graphiste et plasticien par goût de l'image. J'aime manipuler les images et les textes pour leur donner un sens.

Parallèlement à mon travail dans la rue, je conçois des livres pour des auteurs de bande dessinée, j'aime l'échange que cela fait naître avec des dessinateurs que je lisais dans ma jeunesse. L'art contemporain, la BD et les cultures populaires m'inspirent beaucoup. J'ai commencé à peindre sur les potelets anti stationnement en 2007. C'était un support que personne n'utilisait et j'ai eu envie de représenter un œil sur les boules qui semblaient me regarder dans la rue… Je ne rajoute rien, je ne fais que recouvrir de couleurs une forme existante, un peu comme dans le Art Toys. C'est devenu un personnage que j'ai nommé Le CyKlop en référence aux cyclopes de la mythologie.  Il y a une ambiguïté entre mon nom d'artiste et les personnages que je représente sur ces poteaux. À force d'apposer ce nom près de mes créations, les gens m'ont appelé CyKlop !

En y apposant un œil, je tente de les rendre vivants, de leur donner une âme et d'y faire naître une forme de fantaisie. En puisant dans l'histoire du cyclope, je revisite la mythologie grecque à la sauce Toys. Les potelets anti stationnement deviennent des personnages ludiques et fantastiques, à la fois bizarres et rigolos. Ils s'inscrivent dans l'espace public en marge des panneaux de signalétique ou de publicité dont la ville est saturée. J'investis également de nombreux supports et je revisite le mythe d'Ulysse et le Cyclope raconté dans L'Odyssée d'Homère, à travers des objets du quotidien devenus jouets, sculptures ou objet d'art.

Techniquement, je travaille avec des pochoirs et des bombes de peinture de différentes couleurs. Quand je travaille dans la rue, il faut être rapide, j'utilise donc des formes plus simples… En atelier on peut prendre son temps et affiner certains détails. Dans la rue, les gens sourient très souvent, ils se prennent en photos avec un CyKlop, s'en amusent et lui rajoutent un chapeau, le touchent, le caressent… Ils sont aussi très surpris quand toute une rue est métamorphosée avec des couleurs et de gros yeux… C'est très flatteur que mon travail soit ainsi accepté et réinterprété par le public.

Quel regard portez-vous sur la place qu'occupe actuellement le street art, dans la société ? Pour vous, qu'est-ce que l'art urbain apporte de plus dans le monde de l'art contemporain ?

À l'inverse du mouvement Surréaliste, dont André Breton a défini le Manifeste (Ce qui est Surréaliste et ce qui ne l'est pas), il n'y a pas de Manifeste du Street Art, c'est un mouvement libre et encore en gestation...

Si l'on part de la genèse de ce mouvement artistique de la fin du 20e et du début du 21e siècle, on remarque cependant un vrai tournant dans la pratique artistique.

Depuis Marcel Duchamp qui affirmait : "Tout est art", ce qui a laissé le champ libre à beaucoup d'artistes contemporains, et l'avènement du Pop Art qui se libérait d'une représentation purement élitiste et ouvrait l'art au Populaire (Pop Art = Art populaire) en s'inspirant de la publicité, de la photo, des techniques de reproduction (trame de BD pour Roy Liechtenstein ou impression sérigraphique pour Andy Warhol...)... l'Art s'est ouvert à un public de non-initiés.

Dans les années 70, le Graff et le Tag sont nés aux USA, ancrés dans une culture Hip-Hop. En France dans les années 80, le pochoir s'est développé avec une culture plutôt Rock, avec des artistes comme Miss Tic, Jef Aérosol, Blek le Rat (qui a inspiré Banksy)... C'était un Art de la contestation : les graffeurs revendiquaient leur place en peignant leurs Blazes (pseudo) sur les métros qui circulaient dans tous les quartiers de New-York, et les rockers des Halles défendaient une culture alternative et rebelle (Jacques Chirac, quand il était Maire de Paris, avait mis en place un service anti tag et limité la vente des bombes et marqueurs)...

(Pour l'histoire des dispositifs anti graffiti : Lire ICI)

Les années 90 et 2000 ont mélangé tout cela et elles ont vu arriver des artistes aux techniques très différentes : mosaïque pour Space Invader, photo pour JR, détournements pour Zeus, beaucoup de collages, principalement pour éviter la répression. En parallèle, il y a de grands mouvements artistiques comme le Land Art avec les œuvres monumentales de Christo ou l'Art de la fresque et du mur peint (aux USA avec la peinture hyper réaliste), en Amérique Latine avec de nombreux murs peints et colorés... Ce grand melting pot culturel et international s'est vu porté aux nues grâce au fait qu'il occupait l'espace public et non plus une galerie ou un musée... L'Internet et les réseaux sociaux ont enfin largement contribué à le promouvoir de manière universelle par les photos qui y sont diffusées. Marquant ainsi, le tournant dans les pratiques artistiques : tout le monde peut aller peindre dans la rue et diffuser ses créations sur Internet... Ce qui parfois peut faire frémir d'horreur et manquer cruellement de technique ou d'éducation artistique... Mais c'est au prix de la qualité que nous avons cette liberté ;-) ! Les artistes quant à eux, ne sont plus forcements liés à une galerie d'art et peuvent vendre et diffuser leur art par le biais des sites Internet ou des réseaux sociaux...

Donc, comment définir le street art ?

  • Le graffiti est-il du street art ou est-ce deux mouvements parallèles et qui se regroupent parfois ? (L'utilisation commune de la bombe aérosol en est un exemple).
  • Le street art est-il vandale ou peut-il être autorisé et organisé ?
  • Le street art est-il gratuit, ou peut-il être vendu sur toile ?
  • Le street art est-il éphémère ou peut-il être pérenne ?
  • Le street art est-il obligatoirement dans la rue ou peut-il être vendu en galerie ?
  • Une sculpture ou une fresque sur un immeuble peuvent-ils être considérées comme du street art par le seul fait qu'il soit dans la rue ?

Pour moi, une des valeurs fondamentales du street art demeure dans sa contextualisation. C'est-à-dire que la rue ou le support font partie de l'œuvre. Il n'y a pas d'intérêt artistique à placer un dessin de 50 cm représentant un tigre au milieu d'un mur. Le même tigre, à l'échelle 1 et placé au bas du mur, comme s'il se promenait dans la ville, me semble avoir beaucoup plus d'intérêt. L'artiste Levalet est très fort pour cela, il se sert de la rue ou du support comme théâtre de ses interventions (collages papier de peinture originale en noir et blanc, le plus souvent son autoportrait). Sa création n'existerait pas sans la rue et le support.

Les artistes qui me semblent avoir le plus d'intérêt et qui définissent à mon sens ce qu'est le street art sont ceux qui travaillent cette contextualisation avec le support et qui apportent du sens à leurs créations. JR et ses photos de religieux riants sur le Mur de Gaza, ou les yeux posés sur le dessus des wagons en Afrique qui viennent au fur et à mesure que le train avance, former de nouveaux visages avec les bouches représentées sur les abords des trains qui restent fixes.

Space Invader qui édite des cartes d'invasions. Seth dont les personnages semblent disparaître dans le mur, comme Alice de l'autre côté du miroir...

Le site de CyKlop : http://www.lecyklop.com/

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