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Photographie d'enfants dans une cour de récréation

© Monkey Business / Adobe Stock

Les programmes de l’école maternelle de 2015 s’inspirent des pédagogies de l’éducation nouvelle et plusieurs pratiques des grands pionniers se sont diffusées dans les salles d’école. De là à se généraliser au sein des écoles maternelles et élémentaires ?

10 Juillet 1989 : dans la loi d'orientation dite "loi Jospin", une préoccupation est intégrée dans le texte : "mettre l'enfant au cœur du système éducatif". Il est prévu que l'enseignement, l'éducation ne soient pas organisés pour les élèves mais, à partir de la réalité de chacun, de ses potentialités à développer. "C'est la première fois que les principes d'un programme sont inspirés des pédagogies nouvelles avec l'élève au centre du système", souligne Laurent Lescouarch, maître de conférences en sciences de l'éducation.

Très récemment, les programmes de l'école maternelle de 2015 affirment qu'elle est dédiée au jeune enfant, et entend respecter son développement, remettre le jeu au cœur de sa pédagogie, être bienveillante, "ce qui est clairement lié aux pédagogues de l'éducation nouvelle", estime Eve Leleu-Galland, inspectrice de l'Éducation nationale à Paris. "La place du jeu comme support du jeune enfant est très montessorien". "C'est parce qu'il joue qu'il se développe et apprend", est-il écrit dans les textes de 2015. Le jeu devient la première modalité pour apprendre, la situation de mise en jeu est déterminante pour son bien être, la construction du langage et le rapport à l'autre. C'est quelque chose qui n'était pas complètement intégré à l'école maternelle jusqu'ici, tout du moins officiellement.

Entre les textes et les pratiques, il y a un écart, estiment les universitaires. Certes, certaines techniques ont infusé en maternelle où l'esprit de Célestin Freinet est présent chaque jour. Inventés par le pédagogue français, le "quoi de neuf ?" et l'entretien du matin sont repris dans une grande majorité de classes, plus ou moins didactique selon les méthodes des enseignants. "J'ai aussi vu des conseils de coopératives dans les classes et rencontré des professeurs organisant des réunions avec les enfants pour organiser le travail", explique Catherine Chabrun, pédagogue et auteur de "Entrer en pédagogie Freinet". Autre apport du pédagogue français, les journaux scolaires sont généralisés de même que les exposés et les recherches documentaires au sein des classes élémentaires.

Côté Montessori, l'inspiration se fait davantage par le matériel. "De nombreux enseignants emploient du matériel sans changer leur posture d'enseignant face à l'enfant", nuance Yanek Husianycia, président de l'Association Public Montessori, fondée il y a trois ans. "Il faut rappeler qu'une pratique montessorienne est une approche globale de l'enfant".

Parmi la centaine de classes pratiquant des techniques Montessori dans l'Éducation nationale, il distingue trois pratiques différentes, entre l'enseignant qui adopte la pratique globale, celui qui utilise des plateaux avec des activités individuelles sans changer sa posture et enfin les professeurs qui grapillent certains outils. Pour éviter les amalgames qui pourraient causer un tort certain à la pédagogie, l'Association Public Montessoriva mettre en place d'ici décembre un label Montessori où le respect de quatre critères permet d'être labellisable. "Il faut avoir un large choix de matériel Montessori dans la classe, fonctionner en libre choix dans la journée, 2h minimum le matin et toute l'après-midi et sans interruption. Troisième critère, la classe doit être distinguée en aires bien distinctes. Enfin, la classe doit comprendre deux niveaux d'âge minimum avec un suivi d'âge d'une année à l'autre. L'enseignant doit suivre ses élèves, sinon, la pédagogie n'a aucun sens", insiste Yanek Husianycia. 43 autres critères supplémentaires seront requis pour être labellisé. L'objectif est de démontrer que la pédagogie Montessori est compatible avec l'institution Éducation nationale.

"En Montessori comme en Freinet, il ne suffit pas de pratiquer quelques techniques pour suivre la pédagogie", commente Marie-Laure Viaud, docteur en sciences de l'éducation spécialiste des écoles alternatives. Répartie sur tout le territoire en groupes départementaux, l'association ICEM-Pédagogie Freinet regroupe 3 000 enseignants de l'Éducation nationale et dispense des formations continues pour les enseignants.

Infusant dans les classes, les pédagogies alternatives sont-elles acceptées par l'institution ? "L'Éducation nationale a toléré la pédagogie Freinet mais il n'y a pas d'école où toutes les classes suivent la pédagogie Freinet", ajoute Marie-Laure Viaud. Le projet d'un petit groupe de professeurs de généraliser la pédagogie Freinet à une école entière dans l'Ouest de la France, a été retoqué par l'Éducation nationale voici trois ans.

"Quelle est la valeur pour l'enfant d'une liberté pédagogique qui n'est qu'entre les murs d'une salle et non dans l'école tout entière ?", s'interroge un enseignant de pédagogie alternative. Les mouvements pédagogiques pourraient demeurer des expériences isolées au sein de l'Éducation nationale car aucune formation n'est dispensée dans les ESPE. "Les pédagogies alternatives sont plutôt l'émanation des gens de terrain, ce sont plus les praticiens de terrain qui me disent : "J'innove, j'essaie et je fais partager dans ma classe"", explique Eve Leleu-Galland.

Marie-Laure Viaud estime que les esprits évoluent, surtout chez les futurs enseignants. "J'ai lancé un questionnaire auprès de mes jeunes étudiants à l'Espe en fin de Master 2", raconte-t-elle. "Sur la centaine d'étudiants, plus de 90 m'ont dit qu'ils aimeraient mettre en œuvre des pratiques alternatives en cas de nomination en école maternelle".

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