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Illustration d'un enfant qui réfléchit

© Denisismagilov / Adobe Stock

Dans un livre qu’il va publier au printemps, le psychologue Olivier Houdé explique que les préconisations des neurosciences correspondent, pour beaucoup, aux pédagogies des tenants de l'Éducation nouvelle.

"La neuropédagogie.". Rien qu'à voir son titre, on se dit que le nouveau livre d'Olivier Houdé animera les débats au sein de l'Éducation nationale. Pourtant, le sous-titre de l'ouvrage qui paraîtra chez l'éditeur belge Mardaga, est plus explicite quant à son contenu : "la neuropédagogie, de Montessori, Freinet et Piaget aux sciences cognitives."

Olivier Houdé, qui dirige le laboratoire de psychologie du développement et de l'éducation de l'enfant (LaPsyDÉ) de la Sorbonne, y fait le lien entre les sciences cognitives, les neurosciences, et les idées géniales des précurseurs de l'Éducation nouvelle au 20e siècle. Ancien instituteur ayant suivi la pédagogie Freinet, le Professeur Olivier Houdé a cette capacité d'aller de l'abstraction au plus concret.

Première intuition géniale des pédagogues pionniers, le fait que l'enseignement magistral marche moins bien que le travail de groupe, de recherche par essais et erreurs, de tâtonnement expérimental et d'action où les émotions du cerveau jouent un rôle-clé. Pour que le cerveau apprenne bien, il est préférable de proposer à l'élève une tâche ni trop facile, ni trop difficile, car s'il y a trop d'erreur, on ne parvient pas à ancrer la motivation et la curiosité. Il est débordé, il n'apprend pas. Les classes multi-niveaux et aussi les logiciels éducatifs, sont excellents pour cela car il y a une géométrie variable dans la difficulté des exercices.

En outre, la logique et l'émotion sont très liées dans le cerveau. "Dissocier le cognitif et l'émotionnel, comme le social d'ailleurs, dans le cerveau n'a aucun sens car ces dimensions sont très interconnectées", souligne Olivier Houdé. "Nous avons observé et mesuré en imagerie cérébrale qu'une émotion ressentie durant l'apprentissage (lorsque l'élève éprouve le plaisir de corriger son erreur) assiste l'acquisition". Un fait que Maria Montessori avait tout à fait vu. Freinet dit que l'enfant qui participe à une activité qui le passionne s'autodiscipline automatiquement. En effet, il peut donner le meilleur de lui-même.

Freinet comme Montessori et Piaget étaient contre l'enseignement verbal traditionnel et plaidaient pour l'intelligence en action. Montessori soulignait l'éveil sensoriel par la main où les enfants suivent de leurs doigts des lettres rugueuses de l'alphabet. On sait aussi aujourd'hui qu'on peut apprendre par l'action et la "métacognition" à inhiber ses automatismes cognitifs erronés, grâce au cortex préfrontal, à l'avant du cerveau. "C'est la résistance cognitive", précise Olivier Houdé, en se référant au titre de son dernier livre paru à la rentrée chez le Pommier.

Une des grandes idées de la femme médecin italienne, ce sont "les périodes sensibles", qui "n'étaient pas des stades fixes, comme chez Piaget, mais des fulgurances cognitives de l'enfant, par moments, avec un côté très dynamique et non linéaire. Après, d'ailleurs, un enfant peut régresser". Elle parle d'une sensibilité exceptionnelle des enfants en réaction aux obstacles. "Cette sensibilité exacerbée est ce qu'on appelle en sciences cognitives, avec Alison Gopnik par exemple, des fenêtres de lucidité", poursuit le professeur. "On sait que dès quatre / cinq mois, au niveau visuel, le bébé détecte des erreurs de calcul, fait des probabilités... Cela marche bien avec les modèles dynamiques et non linéaires du développement que nous avons construits. C'est vrai aussi pour l'apprentissage précoce d'une seconde langue qui pourra être fait plus tard mais sera moins facile car le jeune enfant avait une sensibilité exceptionnelle pour cette acquisition à un moment précis". Elle avait saisi cette grande complexité.

Montessori avait aussi compris l'importance du jeu. Tout est ludique et défi, "cela marche très bien pour moi, avec l'ordinateur et la tablette tactile. C'est en lien avec les neurosciences car à tout moment, le cerveau du joueur fait une prédiction interne, prend une décision et il y a un retour positif ou négatif immédiat. C'est comme cela que fonctionne nos neurones avec un calcul de récompense", sourit Olivier Houdé.

S'il fallait un bémol à l'œuvre des grands pédagogues, Olivier Houdé indique que la neuropédagogie s'oppose à la méthode globale de lecture venant de Decroly et Freinet. "Elle est à proscrire définitivement car les neurosciences mettent en avant  l'indispensable décodage fin des lettres, des sons et de leurs correspondances par le cerveau de l'élève, donc une méthode syllabique ou phonémique, en complément, bien entendu, du sens des mots, des phrases et des textes".

Qu'en est-il alors de la mise en action de ces préceptes de la neuropédagogie ? "L'Éducation nationale ne parvient pas encore assez à appliquer la pédagogie esquissée par les fondateurs de l'Éducation nouvelle, restée marginale au 20e siècle, mais confirmée, pour l'essentiel, et mieux précisée aujourd'hui par les sciences cognitives". Il reconnaît que cela commence toutefois à bouger !

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