Pour avoir accès à cette ressource, vous devez être prescripteur de ce produit


Pour avoir accès à cet article, vous devez posséder ce produit : Veuillez répondre à la question ci-dessous pour accéder à ce complément produit.


« Les nouveaux programmes de français sont structurés et rigoureux mais restent très normatifs ». Professeur de lettres, Laurence Pierson analyse les nouveaux programmes de français des cycles 1 et 2. Elle estime que le programme de maternelle explique la progressivité des apprentissages mais demeure mécaniste et limite la créativité des élèves. En cycle 2, il est complet et rigoureux mais laisse peu de place à l’expression personnelle de l’élève. Elle craint que la réforme, réduise, par ailleurs, la liberté pédagogique des enseignants.

Quels sont les principaux changements apportés par ce nouveau programme de français en maternelle ?

Le programme explicite davantage la progressivité des apprentissages et abandonne les attendus de fin de cycle au profit de compétences visées par âge. La structuration en trois parties – acquérir le langage oral, se préparer à apprendre à lire, et se préparer à apprendre à écrire – contre deux lors de la dernière réforme des programmes (passer de l’oral à l’écrit, se préparer à apprendre à écrire) reflète une volonté d’orienter le travail des enseignants de manière plus cadrée. Toutefois, on remarque une approche très mécaniste, laissant peu de place à la créativité et à l’expression.

En quoi ce programme favorise-t-il l’entrée dans l’écriture et la lecture ?

C’est difficile à dire tant que l’on ne sait pas comment les enseignants vont s’en saisir. Les instructions concernant l’écriture et la lecture demeurent assez floues, ce qui laisse planer des incertitudes, malgré certaines injonctions nouvelles. Pour prendre un exemple, l’insistance sur l’apprentissage des capitales d’imprimerie, présentées comme une étape indispensable, marque un tournant, alors qu’elles n’étaient pas enseignées systématiquement auparavant. Les documents d’accompagnement, qui ne sont toujours pas parus, seront essentiels pour préciser ces aspects.

Qu’en est-il des nouveaux programmes de français en cycle 2 ?

Je les trouve relativement équilibrés même si l’expression personnelle n’est pas mise en avant. J’ai l’impression d’un programme assez « dixneuviémiste », avec une vision assez mécanique de l’apprentissage. Mais ils sont complets. Pour reprendre une expression populaire, « il n’y a pas de trous dans la raquette », concernant l’écriture manuscrite, par exemple, par rapport aux programmes précédents où l’apprentissage des majuscules cursives avait été omis.

Quels sont les points positifs et les limites de cette réforme ?

D’un côté, il est positif d’avoir des repères clairs, notamment pour les élèves les plus éloignés du monde de l’écrit, qui ont besoin d’un enseignement explicite. Le programme est structuré, rigoureux et couvre l’ensemble des domaines. En revanche, il reste très normatif, ce qui risque de rigidifier les pratiques et d’induire des évaluations plus systématiques. L’absence totale de notions liées au jeu, à la création et à l’expression en maternelle est également préoccupante. Ces mots sont absents des nouveaux programmes ! La construction de ce qu’est un enfant est mise sous le tapis, ainsi que son épanouissement.

Je suis très partagée : d’un côté, je trouve plutôt positif d’avoir des repères de progressivité, de l’autre, je crains que cela rigidifie un peu les cours et je crains que des élèves soient davantage en échec avec la multiplication possible des évaluations.

Quel impact cette réforme pourrait-elle avoir sur le rôle des enseignants ?

Déjà, je note qu’il y a une accélération de la publication des nouveaux programmes avec donc peu de temps laissé aux enseignants pour s’en emparer. L’enseignement doit se concevoir sur le temps long. Depuis une dizaine d’années j’ai aussi l’impression que la liberté pédagogique des enseignants s’amenuise, au profit d’une vision plus prescriptive de leur rôle. Cette liberté est pourtant au cœur de la pratique des enseignants, qui sont des experts de l’éducation et non de simples exécutants. Dans les nouveaux programmes, la colonne « exemples de réussite » semble jouer le rôle des documents d’accompagnement, ce qui interroge sur son statut : est-ce une suggestion ou une injonction ? Il est essentiel que les enseignants aient la liberté d’adapter ces directives à leur contexte de classe, en se rappelant que la maternelle doit rester une école de l’épanouissement et du plaisir d’apprendre.

Propos recueillis par Jean-Bernard Gallois

Retrouvez d'autres articles sur le même thème