Marie-Caroline Missir, directrice générale du Réseau Canopé, met en avant les trois rôles des réseaux sociaux pour les enseignants : un outil professionnel de partage de ressources, une fonction communautaire et un moyen supplémentaire de motiver les élèves. Elle plaide pour une valorisation de ces enseignants. Une piste pourrait être de leur proposer d’être formateurs.
Quel est l'intérêt pour un enseignant d'être sur un réseau social ?
Je mettrais ce fait en perspective avec la période du confinement où l'on a vu des enseignants partager leurs ressources, échanger sur les réseaux sociaux. Ceux-ci sont devenus une caisse de résonance et un outil professionnel de partage entre enseignants, comme avec les élèves, les parents, la communauté éducative. Nous avions effectué une veille sur les réseaux sociaux pour observer les ressources qui pouvaient être partagées par les enseignants. Les réseaux sociaux sont également un outil intéressant pour un deuxième aspect, leur fonction communautaire. Ils sont vecteurs de partage d'expérience entre pairs, de veille sur les pratiques innovantes et permettent de faire communauté dans une même discipline. Pour des enseignants et les acteurs institutionnels, il y a de nombreux intérêts à intégrer les réseaux sociaux dans sa pratique.
Et vis-à-vis des élèves ?
Il s'agit, en effet, d'une troisième pratique, qui consiste à utiliser les réseaux sociaux pour créer un phénomène de motivation supplémentaire et un effet miroir pour les élèves eux-mêmes. Ce n'est pas un fait nouveau. Les innovations technologiques ont une déclinaison éducative, avec au départ une logique d'expérimentation.
Plus près de nous, les usages des réseaux sociaux chez les adolescents sont prégnants et il paraît intéressant pour les enseignants de les utiliser, non parce que c'est à la mode ou de manière démagogique, mais plutôt pour montrer à ces jeunes que l'on peut en avoir un usage éducatif et pas uniquement récréatif. Il me paraît important de les intégrer dans une pratique éducative pour que les élèves puissent en percevoir les bénéfices et puissent maitriser ces outils.
A cet égard, nous venons de publier un livre qui donne des clés précieuses pour aborder les réseaux sociaux avec les adolescents : "Nos ados sur les réseaux sociaux : même pas peur !", écrit par Béatrice Kammerer. Avec un parti pris, celui d'accompagner les adolescents dans leur socialisation en ligne, et sans alarmisme. C'est aussi le sens de la campagne déployée par le Clemi, notre service dédié à l‘éducation aux médias et à l'information, intitulée "Les écrans, apprendre à s'en servir pour ne pas les subir".
Comment le Réseau Canopé peut-il s'emparer de ces réseaux sociaux ?
Nous le faisons sous deux formes : nous les utilisons bien sûr comme plateforme de partage de nos ressources, de notre agenda, et de mise en avant de nos innovations. Nous cherchons aussi à comprendre comment ils peuvent être utilisés comme outils de veille, voire de formation, notamment pour les enseignants débutants, et à promouvoir les bonnes pratiques, celles qui ont une visée pédagogique.
Comment valoriser ces professeurs très impliqués sur les réseaux sociaux ?
Nous travaillons déjà avec des enseignants influenceurs. Nous en avons identifié une trentaine et en avons associé certains à quelques-uns de nos temps forts : les salons Educatech ou KED 2022, la conférence en ligne du mathématicien Hugo Duminil-Copin, notre prochaine exposition sur le vêtement scolaire au Musée national de l'éducation… Nous sommes au début d'un travail à structurer. Une étape suivante pourrait être de travailler avec eux pour qu'ils interviennent comme formateurs afin de prendre en compte ces nouvelles pratiques. Il faut aussi construire des projets d'équipes pédagogiques en établissement pour permettre à ces enseignants de partager leur passion, leurs communautés et leurs pratiques avec les collègues et d'en faire un projet valorisé par l'institution.
