flocon de neige au microscope © dmitrimaruta - Fotolia.com
Les usages des technologies dans l'enseignement sont fort divers. Trop fréquemment, les outils numériques ne constituent qu'un placage des technologies sur des activités pédagogiques existantes, placage pas toujours pertinent. Pourtant, les technologies récentes permettent véritablement d'apporter une valeur ajoutée concernant la mise en place de séquences didactiques.
Un des biais lié à l'utilisation des outils numériques consiste à considérer le WEB comme un réservoir inépuisable de savoir. Nombreux sont les enseignants qui demandent à leurs élèves de "rechercher des informations scientifiques sur Internet" et d'en faire un résumé. La représentation du savoir scientifique qui en découle porte préjudice à l'enseignement des sciences, puisque de cette manière, les élèves vont considérer le savoir scientifique comme "extérieur", figé, et que l'apprentissage consiste à faire passer ces connaissances dites déclaratives, de l'écran de l'ordinateur au cerveau de l'apprenant, par un simple transfert, la lecture. De même, le visionnement d'une vidéo scientifique ne fait que conforter cette même représentation.
Pour lutter contre cette représentation, et donc parvenir à un enseignement des sciences qui met en avant un apprentissage d'une attitude scientifique, de démarches et de concepts organisateurs, ainsi que sur une approche métacognitive, il faut rompre radicalement avec cette pratique qui consiste à aller "chercher" le savoir scientifique.
Les outils numériques permettent ce changement notamment en favorisant des activités intégrant les TIC et qui constituent une aide :
- à la récolte de données scientifiques
- à la réflexion et au regard métacognitif
- à la représentation et à la modélisation
- à la communication
La récolte de données scientifiques
Faire des sciences, c'est confronter ses conceptions, ses modèles explicatifs, au réel, c'est-à-dire aux informations que nous offre le monde qui nous entoure. Vu sous cet angle, les élèves vont ainsi récolter des données en lien avec leur perception du monde.
Différentes technologies permettent d'une part de récolter ces données et d'autre part de les conserver pour un traitement ultérieur. Ainsi, par exemple, l'appareil photo numérique permettra de conserver les étapes de la transformation des chenilles en papillon, la position du soleil à certaines heures et à certaines saisons, ou encore les moments clé de la germination de graines.
Des outils technologiques comme le macroscope ou le caméscope permettent d'agrandir les objets étudiés pour le premier et de voir et de revoir des phénomènes scientifiques évoluant dans le temps, comme par exemple l'ébullition de l'eau, pour le second.
Par ailleurs, bon nombre d'institutions scientifiques mettent à disposition des utilisateurs, sur Internet, leurs bases de données. Il devient ainsi possible, grâce aux technologies, d'avoir à disposition, par exemple, les températures moyennes relevées dans une région depuis le début du siècle dernier.
Enfin, la généralisation des webcams à travers le monde offre la possibilité d'observer presqu'en direct ce qui se passe ailleurs. Il devient aisé de voir en temps réel les conditions météorologiques des quatre coins de l'Europe ou de voir si, à midi heure de Paris, il fait jour à Tokyo, New-York ou Sydney.
La réflexion et le regard métacognitif
« Apprendre des sciences implique que l'élève ne soit pas seulement "actif" (avec ses mains) mais aussi "auteur" (avec sa tête) ! » (Giordan). De plus, le rôle de la réflexion métacognitive sur l'apprentissage n'est plus à démontrer.
À ce propos, les outils numériques permettent, par exemple en demandant aux élèves de photographier ou de filmer les différentes étapes d'une investigation, une réflexion a posteriori sur les démarches de recherche mise en place et sur les activités des élèves.
En se voyant en activité, la tâche consiste alors à s'interroger sur les compétences à mobiliser pour réussir l'activité et sur les stratégies mises en place par les élèves pour la mener à bout.
Un blog personnel ou un blog de classe peut servir de témoignage permettant d'institutionnaliser certaines stratégies et démarches réalisées.
Un autre atout consiste en la possibilité, pour les élèves ou l'enseignant, de conserver des traces, sous forme de photos par exemple, de réalisations d'élèves, que ce soit des dispositifs expérimentaux ou des résultats de leurs investigations (panneaux, classement d'objets,...).
La représentation et la modélisation
Il est tentant de recourir, dans l'enseignement des sciences, aux différents types de représentations censés faciliter la compréhension des phénomènes scientifiques. Nombreuses sont les encyclopédies scientifiques offrant des schémas explicatifs. Bon nombre de maisons de production et d'édition proposent des vidéos, des DVD-ROM, des animations multimédias touchant pratiquement tous les sujets scientifiques. Or, le recours à de telles représentations peut tout autant aider la compréhension que l'en empêcher, voire même consolider des conceptions erronées ou en créer.
Ainsi, par exemple, la plupart des représentations de la révolution de la Terre autour du Soleil induisent de fausses conceptions quant à la taille de la Terre et du Soleil ou encore quant à la distance Terre-Soleil !
Cependant, l'utilisation judicieuse de vidéos, de photos, d'animations multimédias, de schémas ou de textes tentant d'expliquer un phénomène naturel peut s'avérer porteuse d'apprentissage, pour autant que les activités proposées ne suivent pas l'idée que c'est le visionnement de ces supports qui permettent les apprentissages.
On peut par exemple demander aux élèves de regarder, après avoir travaillé sur les mêmes notions scientifiques, un extrait d'une séquence vidéo de 4 à 5 minutes, mais sans le son. Les élèves auront comme tâche d'inventer un commentaire sonore relatif aux images. Une animation multimédia sur la respiration permettra d'établir des liens entre ce qu'ils voient et des schémas ou des photos concernant le même objet d'étude. Un schéma pourra servir de support à une production d'une légende ou d'un commentaire.
Ainsi, toute tâche de production réalisée par les élèves, grâce à divers outils technologiques, représente une opportunité d'apprentissage.
La communication
Les technologies peuvent encore faciliter les interactions notamment grâce à l'usage de blogs, de forums ou de réseaux sociaux.
Comme le disent Baker, De Vries, Lund et Quignard, les interactions entre élèves constituent un moyen de faire comprendre la nature problématique des tâches, de développer l'esprit critique et de stimuler l'envie d'apprendre.
C'est à ce niveau que les ressources du WEB peuvent représenter un plus, par exemple afin de confronter les découvertes de la classe à diverses informations compulsées sur la toile. Ou encore afin de comparer différentes définitions d'un même concept.
Il faut mentionner également tous les usages consistants à échanger ou à communiquer des informations, comme par exemple les projets de correspondance scolaire entre classes ou écoles de différentes régions, la mise en ligne de travaux d'élèves, la possibilité d'interroger des scientifiques, de mener des enquêtes ou des campagnes de sensibilisation.
On le voit tous les jours, les outils numériques modifient radicalement l'accès à l'information et aux médias. Tous les phénomènes scientifiques se trouvent être expliqués, que ce soit dans les encyclopédies en ligne, dans des sites de vulgarisation scientifique ou dans les pages WEB des ONG. De nombreuses télévisions mettent également à disposition des internautes des vidéos touchant des thématiques scientifiques. Cependant, la consultation de ces documents, pas plus que la lecture de livres de sciences, ne permettent une véritable éducation scientifique visant à développer une attitude scientifique et des savoir-faire et à construire durablement des concepts scientifiques.
Les véritables enjeux concernant l'enseignement des sciences se situent donc au niveau des usages pédagogiques qui seront développés par les enseignants. En effet, quel regard et quel rapport au savoir se dégagent de cette masse d'informations scientifiques stockées sur le WEB ? Le savoir scientifique double tous les dix ans environ, il est donc illusoire de vouloir tout savoir, tout connaître. De plus, ce savoir évolue ! Ce qui était admis par la communauté scientifique il y a dix ans, ne l'est plus forcément aujourd'hui !
Ce qui doit changer avant tout, ce sont les représentations de l'enseignement des sciences et le rapport au savoir scientifique ! Il s'agit de faire comprendre que toute information scientifique, publiée sur Internet, ne constitue qu'une représentation, partielle et partiale, un modèle explicatif produit par son auteur... ...et qu'apprendre, en sciences, ce n'est pas essayer de faire passer la connaissance affichée à l'écran de l'ordinateur, dans la tête des apprenants ! De nouvelles compétences deviennent nécessaires pour gérer, analyser et traiter la multiplicité des données.
À l'heure actuelle, les outils numériques évoluent sans cesse, avec une rapidité incroyable. De nouvelles possibilités de communication et de traitement de l'information (données, images fixes et animées, sons, schémas, systèmes d'information, ...), et de nouveaux outils technologiques apparaissent chaque année. Cette évolution rend plus facile l'accès à des outils scientifiques autrefois réservés à des minorités.
Les institutions éducatives sont donc confrontées à une triple difficulté. Premièrement, elles doivent s'adapter aux innovations technologiques en investissant dans la formation initiale et continue des enseignants ainsi que dans les équipements technologiques des établissements scolaires. Deuxièmement, elles doivent progressivement réorienter les contenus d'enseignement, les dispositifs et les pratiques, notamment en milieu francophone, afin de tenir compte de l'évolution de la didactique des sciences, des apports des nouveaux outils technologiques. Enfin, elles ont comme dernière contrainte de s'engager dans une véritable éducation aux outils numériques, mission quelque peu laissée pour compte à la fin du siècle dernier.
Les pistes évoquées ci-dessus ne constituent qu'un premier pas pour que les enseignants et leurs élèves puissent d'une part, tenir compte des évolutions technologiques de l'enseignement des sciences, et d'autre part, développer une démarche d'investigation figurant depuis longtemps dans les programmes scolaires mais qui, dans les faits, semble être peu présente dans les pratiques.