Les résultats des élèves français aux épreuves en sciences de Pisa régressent d’année en année. Que faire pour inverser la tendance ? La Fondation La main à la pâte propose des conseils concrets pour accompagner les enseignants et permettre aux élèves de s’auto-évaluer. Dans une démarche complémentaire, l’association Les Savanturiers souhaite faire des élèves des chercheurs afin qu’ils puissent prendre des décisions éclairées.
La mauvaise performance se répète d'étude en étude. Dans les enquêtes internationales, la France est loin de la tête des nations les mieux classées dans l'apprentissage des sciences. En 2019, dernier classement connu, elle se situait au 26e rang de l'étude Pisa en mathématiques et 25e en sciences. Cette étude est menée tous les trois ans par l'Organisation de la coopération et du développement économique (OCDE) auprès des élèves de 15 ans dans 85 pays. Quelle que soit la matière, le trio de tête était le suivant : la Chine, Singapour et Macao.
Moins connue, l'étude TIMMS présente des résultats encore plus cruels pour l'Hexagone. L'enquête TIMMS (Trends In MatheMatics and Science study) est une étude comparative mesurant le niveau des connaissances scolaires des élèves de CM1 et de 4e en maths et en sciences. Le constat est sans fard : sur les quelque 10 000 élèves français qui ont répondu en 2019 à une trentaine de questions portant sur les programmes scolaires, les CM1 se classent au dernier rang des pays européens.
« Un autre problème, peu souligné, est que seuls 3% des élèves obtiennent de très bons résultats au test. Cela veut dire que notre école n'est même plus à la hauteur pour les élèves bons et très bons », relève Ange Ansour, fondatrice des Savanturiers. La responsable de ce programme éducatif qui a pour objectif d'initier les élèves de la maternelle au lycée aux enjeux et méthodes de la recherche, énumère les raisons qui entrainent de mauvais résultats aux tests internationaux : peu ou pas de formation initiale pour les enseignants d'élémentaire, formation continue lacunaire ainsi qu'un facteur rarement mis en avant. « Dans les autres pays, l'exposition aux sciences est importante en dehors de l'école, ajoute Ange Ansour. Au Royaume-Uni ou en Allemagne, ce sont 85% des enfants d'une génération qui ont l'habitude de côtoyer des objets scientifiques dans leur quotidien ou à la télévision, contre 8% des Français, a indiqué le Rapport du haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge en 2018. »
Autre élément relevé par David Jasmin, le directeur général de la Fondation La main à la Pâte (La Map), « les cours de sciences, quand ils ont lieu, n'ont pas d'horaire fixe et régulier comme le français ou les mathématiques, qui sont enseignés quotidiennement et le plus souvent le matin. »
Quelles méthodes pédagogiques pourraient-elles être appliquées pour renverser la tendance ? Les nombreux rapports qui ont été publiés ces dix dernières années ont tous donné des pistes sans que les classements s'améliorent. Acteur central dans l'accompagnement des professeurs, La Map travaille depuis 26 ans à l'enseignement des sciences et technologie par la construction des connaissances grâce à l'exploration, l'expérimentation et la discussion. Elle a dédié un site Internet aux enseignants, avec des fiches pédagogiques et des animations (voir le reportage de ce dossier dans une école de Paris). « Nous disposons aussi de relais territoriaux, 12 maisons de la science, portées par les universités en partenariat avec les rectorats pour former les enseignants et avons créé 26 centres pilotes qui assurent formation et prêt de matériel aux enseignants du premier degré de certaines Zep et zones rurales », souligne David Jasmin.
Par rapport aux difficultés de formation, La MAP a lancé L@map en novembre 2020, une plateforme de formation à distance qui propose aux enseignants des tutoriels pour les aider à préparer leur classe et à enseigner les sciences et les technologies de manière attractive. Ils sont conçus pour leur offrir des activités de classe clé en main, afin de développer des compétences professionnelles liées par exemple à la démarche d'investigation, ou à l'esprit scientifique et à l'esprit critique.
Découpé en plusieurs étapes, chaque tutoriel d'une durée d'une heure (il y en a 38 aujourd'hui) offre aux professeurs la possibilité de tester, à leur rythme, des expérimentations à la maison, de visionner des interviews de scientifiques et des vidéos de classe, ou encore de consulter des documents pédagogiques et scientifiques.
Mise en avant par la MAP et utilisée en classe depuis de nombreuses années, la méthode d'investigation est aujourd'hui questionnée. « Elle est nécessaire mais pas suffisante », estime Anne Szymczak, coordinatrice du « Plan sciences et technologie », qui suggère de « concilier un enseignement explicite avec une démarche de type investigation permettant de mettre les élèves en activité et en recherche, en leur posant des questions sur ce qu'ils font ou ont fait, et en guidant la démarche pour la rendre la plus efficace possible en termes d'apprentissage ».
Concrètement, David Jasmin propose aux enseignants impressionnés par la matière de ne pas partir sur des concepts trop compliqués. « On oublie souvent que le fait de s'interroger sur des aspects simples comme une flaque d'eau qui disparaît ou la croissance de plantations peut entraîner d'autres questionnements des élèves ». Sans pour autant revenir à la leçon de choses et bien conscient du peu d'heures disponibles par semaine, le directeur de la Fondation La main à la pâte souligne qu'il est important de prendre le temps de travailler les sciences, par un découpage en plusieurs cours.
« Il faut bien expliciter les objectifs notionnels et de compétences, que l'élève ait bien conscience de ce qu'il va travailler. On a tendance à trop focaliser sur l'expérience, qui n'a aucun sens si elle n'a pas été analysée auparavant et documentée », ajoute-t-il.
Bémol relevé par deux rapports qui ont étudié des classes mettant en œuvre la démarche expérimentale de la Map, le fait que les enseignants n'avaient pas ou peu modifié leurs pratiques. Réponses de David Jasmin : « Pour faire évoluer ses pratiques, l'enseignant peut proposer des ressources attrayantes comme celles que nous mettons sur notre site pour faire le lien avec les fondamentaux et d'autres matières. Il ne doit pas hésiter à utiliser des « béquilles » comme des chercheurs ou des étudiants scientifiques qui sont généralement ravis de venir en classe. »
Concernant l'évaluation des connaissances et compétences des élèves, un point sensible de l'enseignement des sciences, La Map développe un système de jetons que les enfants utilisent pour indiquer qu'ils ont compris la notion travaillée. À partir de tests inclus dans les activités, les élèves ont moyen de s'auto-évaluer et d'afficher le jeton correspondant à leur acquis. Le système est testé dans une vingtaine de classe et devait être proposé dans les ressources pour la classe sur la plateforme l@map.
Autre obstacle, l'insertion des sciences dans une programmation annuelle. Là encore, la Map entend tester une nouvelle approche. « Nous souhaitons lancer un projet pilote pour proposer des programmations d'école pour les sciences et la technologie par niveau qui puissent faire un lien avec le niveau d'avant et celui d'après, avec pour objectif de créer une dynamique d'établissement. Nous voulons répondre aux enseignants qui se demandent que faire en sciences à tel moment de l'année avec des extensions vers les fondamentaux. » Avoir un programme de sciences et technologies pourrait ainsi entrainer une plus grande homogénéité des pratiques, davantage d'entraide entre pairs et plus de cohérence envers l'élève.
Les Savanturiers, pour comprendre le statut des savoirs scientifiques
Ancienne professeure des écoles, Ange Ansour a lancé l'aventure des Savanturiers-École de la recherche en 2013 avec la volonté de promouvoir l'éducation par la recherche.
« L'objectif de ce programme est d'initier les élèves à la production, la validation et la circulation des savoirs scientifiques, explique-t-elle. Ce sont eux les chercheurs. Il est important qu'à l'ère des fake news et des informations de toutes origines, les élèves puissent prendre des décisions éclairées et, pour cela, qu'ils sachent poser des problématiques et s'appuyer sur des vrais savoirs », indique Ange Ansour, directrice de l'Association française pour l'Éducation par la Recherche (AFPER), qui porte le projet. Concrètement, les élèves, guidés par leurs enseignants et des chercheurs engagés dans l'innovation pédagogique, mènent des projets scientifiques, de science humaine et technologiques.
Les Savanturiers publient des appels à projet et les enseignants intéressés choisissent le champ d'expertise qu'ils souhaitent approfondir durant un an. Les projets peuvent être concret (construire un robot, créer un jeu vidéo…), ou répondre à une question plus générale comme « comment s'est fait le passage à l'euro ? » ou « comment apprenaient nos parents ? »
Quel que soit le thème traité, il y a toujours une démarche de recherche, modélisée par Les Savanturiers, qui accompagne les enseignants et les élèves. « Le chef d'orchestre est toujours l'enseignant mais une classe peut avoir un mentor si elle le souhaite, un scientifique, chercheur ou un étudiant, poursuit Ange Ansour. Le mentor est là aux moments clés, il aide à la démarche scientifique, soit problématiser, identifier les bonnes ressources et valider les résultats. »
Modéliser, schématiser, décrire, cela nécessite des notions précises, un exercice que les élèves apprécient beaucoup, note Ange Ansour. « Dès la maternelle, les enfants peuvent comprendre l'importance de la précision des méthodes et des mots, ils font la différence entre le français commun et le français conceptuel. Par exemple, ils saisissent très rapidement qu'un concept est un mot scientifique qui résume un processus scientifique. »
Avec près de 30 000 élèves ayant suivi un projet des Savanturiers et quelques 3 000 professeurs formés, l'association veut développer son instrument pour que les élèves apprennent de manière joyeuse et rigoureuse. « Nous travaillons pour que les enfants soient dotés d'un capital scientifique à l'école et autour de l'école.