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Anne Szymczak, inspectrice générale, coordinatrice du "Plan sciences et technologie" depuis février dernier, répond en exclusivité aux questions de Lea.fr. Elle indique que le Plan n’est pas abandonné sous la houlette du nouveau Ministre, qu’il change de nom mais que toutes ses missions sont conservées. Elle annonce aussi que les académies ont installé des groupes de travail pour mobiliser des formateurs. Entretien.

Pouvez-vous vous présenter et indiquer quelle fonction vous exercez par rapport au « plan sciences et technologie » ?

Je suis inspectrice générale de l'éducation, du sport et de la recherche. J'y suis responsable de la coordination de l'ensemble des missions et pilote de la Mission permanente Enseignement primaire, qui regroupe vingt inspecteurs généraux en charge des dossiers concernant le premier degré.

En tant que pilote de la mission enseignement primaire, et de formation scientifique, je porte donc le dossier relatif au renforcement de l'enseignement de sciences et technologie, engagé lors de la précédente mandature sous le nom de « plan sciences et technologie » en février 2022.

Après l'annonce par le ministre Blanquer de ce plan, quels groupes de travail ont été mis en place avec quels objectifs ?

Nous avons mis en place trois groupes avec la DGESCO et cinq collègues scientifiques de l'inspection générale. Un groupe de pilotage coordonne l'ensemble des travaux. Un groupe Formation traite de l'animation du réseau de référents académiques et départementaux pour l'enseignement de Sciences et technologie à l'école primaire et du programme de formation national devant être déployé. Un groupe de production de ressources est en charge de rédiger un « vade-mecum pour l'enseignement de sciences et technologie à l'école primaire ». Un dernier groupe permet de bien identifier, mobiliser et fédérer les partenaires de cet enseignement, qui interviennent devant les classes ou contribuent à la formation continue des enseignants.

Après l'élection présidentielle et l'installation d'un nouveau gouvernement, ce plan a-t-il été abandonné ?

Même si la dénomination « plan sciences et technologie » n'est pas reprise à cette rentrée, le renforcement de cet enseignement à l'école primaire reste une cible validée par le cabinet du ministre de l'Éducation nationale et de la jeunesse et l'organisation décrite précédemment n'est pas remise en question.

Votre mission a-t-elle évolué depuis la nomination du nouveau ministre ?

Non, pas du tout, conformément à ce que je viens d'affirmer.

Quels volets du Plan Sciences ont-ils été conservés ?

Nous avons tout conservé, compte tenu de l'importance de cet enseignement, des besoins de formation continue et de l'intérêt des partenariats avec la communauté scientifique et les acteurs historiquement mobilisés autour de l'enseignement de sciences et technologie à l'école primaire.

Réunissez-vous toujours des groupes de travail ? Quelle traduction concrète est-elle prévue et à quelle échéance ?

Nous avons légèrement desserré les calendriers de travail qui étaient très exigeants et visons une mise en ligne d'une première version du vade-mecum et de la cartographie des partenaires fin novembre. Le vade-mecum a vocation à être régulièrement enrichi au cours du temps. Un premier webinaire des référents académiques et départementaux est programmé en octobre. Plusieurs académies m'ont annoncé la mise en place de leurs groupes de travail pour mobiliser les formateurs et soutenir cette politique de renforcement de l'enseignement de sciences et technologie à l'école primaire. Quatre m'ont sollicitée pour les accompagner.

Plusieurs rapports ont été écrits depuis de nombreuses années sur l'enseignement des sciences à l'école élémentaire. Quelles pistes vous semblent-elles intéressantes pour améliorer l'enseignement des sciences à l'école ?

Il convient, en premier lieu, de faire en sorte que les professeurs des écoles respectent la grille horaire hebdomadaire, pour cet enseignement comme pour tous les autres qui figurent au programme. L'analyse que nous avons faite, dans le rapport rendu public sur l'état des lieux et les besoins de l'enseignement au cours moyen, le montre très explicitement.

Pour cela, au-delà des progrès nécessaires dans la formation continue des enseignants qui doit permettre de répondre de manière ciblée aux besoins qu'ils énoncent, il convient de réfléchir avec eux à une lecture des programmes qui visent à identifier les notions clés à enseigner pour optimiser les séances.

On peut par exemple introduire et définir ce qu'est un objet technique dans une séquence où l'on va traiter de la mesure de la masse avec une balance ou plusieurs types de balance, au travers d'un protocole expérimental permettant de suivre une démarche de collecte et de traitement de données, sans faire une séance spécifique sur ce qu'est un objet technique.

On peut aussi mieux articuler l'enseignement des sciences et technologie avec le réinvestissement des notions apprises en mathématiques et français : compréhension à partir de textes documentaires, production d'écrit, maîtrise de l'orthographe et développement du lexique en lien avec les séances de sciences et technologie, analyse grammaticale à partir des textes produits ou utilisés par les élèves, travail sur les calculs, les grands nombres, grandeurs et mesures, la proportionnalité…

Quelle formation les 18h de formation annuelle sont souvent prises par le français et les mathématiques…

Dans l'organisation du travail en équipe dans les écoles, les échanges de service peuvent contribuer à préserver l'horaire imparti à l'enseignement de sciences et technologie, d'une part, et à profiter de l'expertise particulière d'un des membres de l'équipe enseignante ; il s'agit de servir la polyvalence collective par les valences individuelles. Une équipe d'école peut aussi choisir, au travers d'un projet de classe ou d'école par exemple, ou dans le cadre d'une partie des 18h de formation ou des temps d'auto-formation commune que peuvent constituer les conseils de cycle ou conseil de maître, de mettre ainsi l'accent pendant une ou deux années sur le renforcement collectif de compétences en sciences et technologie, pour mieux en assurer l'enseignement en classe.

Les partenaires que nous avons identifiés sont aussi disponibles pour des temps de formation « à la carte » dans les écoles. La polyvalence est un des facteurs de difficulté de l'enseignement à l'école primaire ; il convient donc de réfléchir à s'autoriser des focus successifs sur les différents champs disciplinaires pour approfondir tour à tour chacun et ne pas rester sur une approche superficielle de tout. Cela peut se faire individuellement ou en équipe d'école ou de cycle. C'est un axe de pilotage possible de son école par le directeur.

- Y a-t-il d'autres intervenants qui pourraient appuyer les enseignants de primaire ?

Je souhaiterais aussi que des enseignants du secondaire mais aussi, voir surtout, de classes post-baccalauréat des lycées puissent localement se mobiliser pour travailler avec des équipes écoles sur des temps courts pouvant relever de la remise à niveau sur des notions précises au programme de sciences et technologie de l'école primaire ou de la co-intervention en classe sur un petit projet ou sur une séquence (dans le modèle du dispositif « partenaires scientifiques pour la classe » déployé par la main à la pâte et la DGESCO). Cela permettrait de couvrir les écoles rurales ou éloignées de grands centres scientifiques.

Enfin, il convient aussi de réfléchir avec les collectivités de rattachement à ce qui relève de leurs compétences pour améliorer les conditions matérielles et pédagogiques de cet enseignement et contribuer ainsi à replacer les sciences et la technologie au cœur des enjeux de société et de souveraineté économique, industrielle et intellectuelle de notre pays : les manuels de sciences et technologie ; le matériel (petits robots à programmer, matériel et consommables pour de petites expériences de chimie, physique, sciences du vivant) ; le bâti scolaire, qui n'offre que très exceptionnellement un espace, une salle permettant d'entreposer du matériel ou d'installer des expériences ou des projets de long terme ; les activités périscolaires et extra-scolaires (clubs de sciences qui valorisent ce domaine de connaissances).

Estimez-vous que la démarche d'investigation est toujours essentielle en classe ? Considérez-vous qu'elle devrait être accompagnée par un autre type d'enseignement ? Si oui, comment articuler les deux ?

Il est essentiel, en sciences et technologie comme pour tout autre enseignement, d'offrir aux élèves des modalités de travail qui les rendent les plus actifs possible. L'activité d'investigation et la pratique expérimentale en sont des exemples. Pour autant, ces modalités doivent être mises en œuvre en cadrant bien les séances et leur structuration horaire notamment, et chaque minute doit servir à des apprentissages, ce qui rend l'exercice difficile.

L'un des pièges de la démarche d'investigation est d'en oublier les phases de structuration des savoirs, d'identification avec et par les élèves de ce qu'ils ont appris et appris à faire, et de ne pas consacrer assez de temps à la construction d'une trace écrite de qualité, qui ne soit pas une simple « fiche à trous » à remplir.

Représenter, schématiser, décrire par le texte ou tout autre mode de représentation, sont des capacités importantes figurant parmi les objectifs de la formation en sciences et technologie. Les compétences « analyser, raisonner, valider » doivent aussi être mobilisées, et à la différence de « réaliser » qui est explicite en soi pour celui qui fait (réaliser une mesure, une expérience, un calcul), elles ne sont pas forcément identifiées dans la démarche d'investigation par les élèves eux-mêmes.

En conséquence, je suggère de concilier un enseignement explicite avec une démarche de type investigation permettant de mettre les élèves en activité et en recherche, en leur posant des questions sur ce qu'ils font ou ont fait, et en guidant la démarche pour la rendre la plus efficace possible en termes d'apprentissage. Il faut essayer de faire en sorte que les élèves puissent dire ce qu'ils ont appris, comment ils l'ont appris, et en quoi cela leur sera utile (réinvestissement de compétences, mobilisation de connaissances nouvelles) grâce à un enseignement qui s'attache à se donner en lecture aux élèves, finalement.

C'est aussi très important dans le cadre de la contribution de l'enseignement de sciences et technologie à l'apprentissage de la distinction entre croyance, opinion et fait avéré, par la confrontation au réel et le raisonnement objectivé.

Un rapport qui a suivi les actions de La main à la pâte en 2017 a conclu, pour résumer grossièrement, que les pratiques des enseignants qui ont été formés en continu aux sciences n'évoluent pas forcément. Récemment, une enseignante me disait vouloir insuffler le plaisir de comprendre et la joie de découvrir à ses élèves. Que souhaiteriez-vous dire aux enseignants d'élémentaire parfois "tétanisés" par rapport aux cours de sciences ?

En premier lieu, je suis opposée à tout dogme ou toute « chapelle », et partage ce point de vue du plaisir de comprendre et d'apprendre à insuffler aux élèves. Mais il faut aussi que l'enseignant se fasse plaisir ! Pour cela, il convient en effet de dédramatiser cet enseignement de sciences et technologie, de cibler des objectifs de séances modestes mais solides en termes de contenus ou notions et de démarches ou compétences, qui doivent rester en nombre limité à chaque séance.

La séance doit être conçue pour être terminée dans le temps imparti, trace écrite et institutionnalisation des savoirs comprise. Une séance de sciences ne doit pas consister en un remplissage de fiche à trous à coller dans le cahier, mais n'a pas non plus vocation à systématiquement comporter un temps de réalisation expérimentale. Par ailleurs, les expériences doivent être simples à mettre en œuvre et démonstratives.

On peut trouver dans ce très beau terrain de jeux qu'est l'enseignement de sciences et technologie de nombreuses modalités, dès lors que les objectifs sont très précisément identifiés par le professeur et énoncés pour les élèves. Il me semble aussi qu'il est important de relier l'enseignement des sciences et technologie au monde qui nous entoure : confort de vie, produits et objets de la vie courante, progrès technique, progrès médical, respect de l'environnement, écologie et énergie, pour donner envie aux enfants, et en particulier aux filles, de contribuer à l'apport des sciences à la société.

J'espère que les actions mises en place au niveau national et qui seront déclinées dans les académies et les départements aideront les enseignants, et je remercie l'ensemble des acteurs de la communauté scientifique qui se mobilisent en partenaires essentiels de cet enseignement, tant auprès des professeurs des écoles qu'au contact des classes et des élèves. 

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