Steven, 4 ans, est scolarisé en moyenne section de maternelle. Il peut se mettre rapidement en colère, ne supporte aucune forme de frustration, a du mal à trouver sa place parmi les autres enfants et est souvent en conflit avec eux. Ce qui étonne les adultes c’est que Steven parle comme un grand, fait des jeux de langage, est très vif et rapide dans sa compréhension des choses mais parfois il réagit comme un "gros bébé"...
En classe, Steven a du mal à respecter les contraintes que l'environnement scolaire impose, comme attendre son tour de parole, écouter, respecter les consignes données, obéir aux adultes. Il préférerait plutôt décider lui-même du choix des activités et du rythme, et se met en colère ou refuse de participer s'il n'a pas décidé spontanément de faire ce qui lui est demandé, ou s'il n'a pas compris l'intérêt de la tâche proposée.
Les tâches de graphisme et d'écriture sont très difficiles à réaliser. Steven les déteste et se braque parce qu'il n'y arrive pas suffisamment vite ou suffisamment bien. Souvent, avec Steven, il faut négocier, expliquer, discuter et cela demande beaucoup d'énergie à la maîtresse. Steven aime aussi beaucoup prendre la parole de manière intempestive et poser toute sorte de questions existentielles qu'il se pose à n'importe quel moment du jour, et même de la nuit, rapportent sa maman et sa maîtresse.
De quoi s'agit-il ?
La précocité intellectuelle, qui s'évalue par un examen psychologique approfondi réalisé par un psychologue, peut mettre en difficulté un enfant dans le cadre scolaire. En effet, ce haut potentiel induit chez l'enfant une dyssynchronie (un écart, un déséquilibre) entre ses capacités intellectuelles d'une part, et son niveau de développement émotionnel et moteur d'autre part, qui est plus celui d'un enfant de son âge. L'enfant se sent différent, incompris et a du mal à s'intégrer à un groupe d'enfant de son âge car il ne partage pas les mêmes centres d'intérêt.
Il est souvent perfectionniste et cela le met en colère de ne pas arriver à faire quelque chose, il voudrait savoir tout faire du premier coup et ne pas avoir à faire l'effort d'apprentissage. L'écriture ne lui plaît pas parce que cela ne va pas assez vite en comparaison de ce qui se passe dans sa tête, et en plus le geste moteur est moins performant que l'intellect. Un tiers des enfants intellectuellement précoces sont en échec scolaire car ils ont du mal à s'adapter au système scolaire, ou en tout cas le système a du mal à prendre en compte leur spécificité. Or, si la difficulté est reconnue, et les besoins spécifiques pris en compte, l'élève intellectuellement précoce pourra mieux vivre sa scolarité.
A l'école et en classe
La qualité du lien entre la famille de Steven et l'école est très importante. En effet les parents ont besoin d'être rassurés car ils sont très déstabilisés par leur enfant. Depuis que la précocité a été identifiée, les difficultés sont mieux comprises et le regard sur Steven a changé. A l'école, la mise en place d'un programme personnalisé avec des objectifs clairs et la notion d'engagement qui en découle vont permettre à Steven de se remotiver, de reprendre confiance et d'être rassuré. Il sera important d'y revenir et de mesurer la réalité des progrès accomplis.
Le saut de classe est parfois à envisager. Dans ce cas l'adhésion de l'enfant est indispensable et ce passage anticipé doit être pensé, réfléchi avec tous les partenaires (école, famille, médecin scolaire, psychologue scolaire), et accompagné pour qu'il soit bénéfique.
Les aménagements pédagogiques dans la classe actuelle peuvent aussi entièrement suffire à prendre en compte la difficulté de l'enfant et lui apporter ce dont il a besoin.
Voici quelques exemples :
- Permettre l'approfondissement de certains contenus en faisant des recherches, un exposé.
- Entraîner l'enfant à l'effort en reconnaissant et valorisant les progrès, lui donner de temps en temps des travaux plus complexes.
- Lui donner plusieurs tâches en simultanées (comparer deux ou trois documents, plutôt que les décrire un par un).
- Le mettre rapidement au travail ou en réflexion, sans attendre le reste du groupe qui a besoin de plus de temps que lui.
- Lui expliquer le sens du travail à fournir, ce qu'il va apprendre.
- Lui proposer d'être tuteur ou l'aide d'un autre élève pour qu'il puisse avoir un rôle à jouer dans le groupe classe.
- L'aider à canaliser et relativiser les émotions qu'il ressent de manière exacerbée en lui laissant la possibilité d'en parler à un moment choisi…