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Analyse thématique, La salle des profs Nathan, enseigner le fait religieux

© DR

En visitant la basilique Saint-Rémi, bâtie sur l’emplacement où aurait eu lieu il y a plus de 1 500 ans le baptême de Clovis, une classe de CE2 découvre quelques fondamentaux de l’architecture chrétienne, mais aussi des points communs entre les différentes religions.

La première chose que les élèves de CE2 de l'école de Cormontreuil Centre remarquent en entrant dans la basilique Saint-Rémi, c'est la taille de l'édifice : “On peut mettre au moins cent personnes là-dedans !”, commente, admiratif, un enfant. La première étape de cette sortie patrimoine consiste pour les enfants à regarder autour d'eux pour trouver des éléments d'architecture ou de décoration qui ressemblent à de la végétation. “Chaque fois que vous trouvez quelque chose, vous le dessinez”, leur demande Hervé Thibon, formateur en arts plastiques à l'IUFM de Reims, qui accompagne cette sortie.

Observer

Les enfants ont apporté du matériel pour dessiner, notamment une planche en carton sur laquelle s'appuyer. Ils sont répartis en quatre groupes dans les différentes parties de l'église. Seuls ou à plusieurs, les enfants ne tardent pas à trouver des éléments rappelant la nature, et s'arrêtent pour les reproduire avec application. “Le croquis oblige à regarder, explique Hervé Thibon. Pour dessiner quelque chose, il faut s'en imprégner, le regarder longtemps.”

Au bout d'une quinzaine de minutes, tous les groupes se rejoignent dans la nef. Au sein de chaque groupe, les enfants indiquent aux autres l'endroit où ils ont repéré de la végétation pour leurs croquis. “Sur le pourtour là-haut”, désigne un premier élève. C'est l'occasion d'un point de vocabulaire. “La partie en haut des colonnes s'appelle un chapiteau”, indique le formateur. Un autre élève désigne les vitraux sur lesquels sont dessinées de petites feuilles, et un troisième les décorations du confessionnal. Les élèves sont intrigués par les longues feuilles sculptées dans le bois du confessionnal et se succèdent pour les toucher.

La classe fait ainsi le tour de l'église, chacun montrant ses trouvailles. “Les enfants aiment beaucoup le côté recherche, le fait de comprendre comment ça marche, souligne Hervé Thibon. L'idéal ensuite est de renforcer les apprentissages par une pratique artistique, on a plus de chances que la mémorisation se maintienne.”

Comprendre

Il reste maintenant à décrypter cette symbolique. Le formateur fait appel aux connaissances des élèves sur la nature et ses cycles. “Les plantes meurent, et on a l'impression au printemps qu'elles naissent à nouveau, qu'elles revivent. C'est pour cela que les gens qui décorent les églises ont choisi des décorations qui rappellent de la végétation”, explique-t-il.

“Quand Dieumeurt, après il revit”, ajoute un enfant. “Oui mais pas tous les dieux, celui des chrétiens, précise Hervé Thibon. Dans la Bible, il est dit que Jésus est mort et qu'il a ressuscité, mais seuls les chrétiens parlent de Jésus. En revanche quand vous allez étudier d'autres architectures d'autres religions, vous verrez que presque toutes ont copié la végétation. C'est parce que toutes les religions parlent de la vie.”

Si le formateur a choisi de parler aux enfants du thème végétal, c'est pour leur faire comprendre qu'une architecture comme celle de la basilique a un sens symbolique, mais aussi parce que c'est un élément commun aux différentes religions. “Aborder le fait religieux est très délicat, c'est pourquoi certains enseignants préfèrent éviter le sujet", relève-t-il.

S'interroger

L'objectif d'Hervé Thibon est aussi de faire constater aux enfants l'évolution des représentations religieuses. Le groupe s'approche d'une première sculpture en bois de Jésus datant du xive siècle. Après quelques questions bien orientées, les enfants remarquent que Jésus n'a pas de sang qui coule et n'a pas l'air de souffrir.

“Au Moyen Âge, dans la croyance des chrétiens, Jésus est dieu et homme, explique cet agrégé d'arts plastiques. Là on voit plutôt son côté dieu, c'est pour cela qu'il n'a pas mal.” Il leur fait aussi remarquer que Jésus est sculpté pour regarder les hommes. “Imaginez que vous êtes au Moyen Âge. Pourquoi Jésus vous regarde-t-il ?” “Il veille sur nous”, répond un enfant. “Oui, mais aussi il vous surveille. Au Moyen Âge, tous les gens ont cela en tête”, précise Hervé Thibon.

La seconde sculpture, réalisée 200 ans plus tard, est presque à l'opposé de la première. Les enfants constatent aisément des différences : Jésus a perdu ses vêtements ; il n'est plus sur la croix, mais assis, ligoté avec de la corde ; il a aussi les yeux fermés. “Est-ce que Jésus montre ici plutôt son côté dieu ou homme ?” “Homme”, répondent sans hésitation les enfants. “À la Renaissance, on préfère montrer Jésus d'abord humain. On montre qu'il souffre, il saigne, il pleure, il a de vraies douleurs”, commente le formateur.

Recouper

Pour la dernière étape de la visite, le groupe sort de la basilique et s'arrête quelques minutes devant la façade. Sur cette façade, on voit Saint Rémi, l'évêque qui a donné son nom à la basilique et qui a baptisé Clovis. “Qui était Clovis ?” Les enfants le connaissent : “C'était un roi.” “Quel roi ?” Là encore ils connaissent la réponse : “C'était le roi des Mérovingiens.” Hervé Thibon leur explique que presque tous les rois de France ont été baptisés à Reims pendant 1 500 ans. Il leur donne une dernière information, qui fait sensation : à droite de la façade, on voit la plus vieille tour de l'église. Sa première pierre a été posée en l'an 1004, il y a plus de 1 000 ans !

De retour en classe, qu'ont retenu les enfants de cette visite ? Ils ont découvert qu'“il y a de la végétation dans les églises et que c'est comme Jésus qui meurt et revit.” Ils ont aussi trouvé les sculptures belles et ont été impressionnés par la taille et par l'âge du bâtiment. Enfin, ils ont été marqués par le calme et le fait qu'il ne faut pas faire de bruit. Cela amuse Kerstin Thibon, leur enseignante, qui se souvient qu'avant cette visite, les élèves qui étaient déjà entrés dans une cathédrale avaient commenté la propreté des lieux !“Le fait religieux au Moyen Âge ne concerne plus le tout nouveau programme du CE2 (janvier 2012), mais lorsqu'on le rencontre à propos des oeuvres du patrimoine et de leurs significations, il est difficile de l'éviter, souligne-t-elle. Les enfants sont confrontés à ce qui se passe dans le monde parce que leurs parents en parlent, c'est important qu'ils puissent connaître avant de juger.”

Le sujet étant délicat, l'enseignante travaille toujours les trois religions principales en même temps. Son approche est essentiellement basée sur l'architecture : elle explique aux élèves comment sont construites une église, une mosquée et une synagogue. Pour préparer la visite de la basilique, elle a aussi fait appel à la géographie – les enfants ont vu comment les villes ont été construites autour de l'église –, et à l'histoire, à travers le baptême de Clovis. En parallèle, ils ont aussi travaillé des éléments de la religion musulmane, notamment en analysant l'architecture d'une mosquée d'Istanbul.

Débattre

Chaque fois que le besoin s'en fait sentir, Kerstin Thibon organise avec ses élèves de petits débats philosophiques. “Ces débats sont un espace de liberté”, explique l'enseignante. À Noël, les enfants ont parlé de religion, notamment de la différence entre croire et savoir. “Parler des faits religieux apporte la tolérance et la connaissance. L'idée c'est aussi de donner aux enfants les moyens de se forger leur propre opinion et d'écouter les opinions des autres”, indique l'enseignante.

Dans quelques jours, les élèves rempliront leur carnet de patrimoine pour formuler par écrit ce qu'ils ont vu pendant la visite de la basilique. Ils y retourneront ensuite une seconde fois pour observer les différences entre l'art roman et l'art gothique.

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