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Respecter les besoins de sommeil de chacun de ses élèves, programmer les activités en fonction des moments de forte ou faible vigilance, renforcer la sécurité affective : tels sont les trois défis que l’enseignant doit essayer de relever au quotidien.

Comme dans toutes les régions du monde, l'alternance du jour et de la nuit est un donneur de temps universel et obligé. L'alternance de la veille et du sommeil (ou rythme veille/sommeil) est évidemment dépendante de cette alternance. Imbriquées, les deux alternances sont des synchroniseurs majeurs de l'ensemble des rythmes biologiques, en particulier les rythmes circadiens, c'est-à-dire les phénomènes qui se reproduisent à l'identique toutes les 24 heures environ.

Par exemple, la sécrétion par les glandes surrénales des hormones anti-inflammatoires que sont le cortisol, la cortisone… atteint tous les jours ses valeurs les plus élevées entre 6 h et 8 h, et ses valeurs les plus faibles environ douze heures plus tard.

Que se passe-t-il quand on dort ?

L'alternance du jour et de la nuit et le rythme veille/sommeil apparaissent ainsi comme des donneurs de temps (ou “horloges”) qui règlent la succession des “temps forts” et des “temps faibles” de nos rythmes biologiques au cours des 24 heures, et au sein des 24 heures.

Sans entrer ici dans les détails, des événements importants jalonnent les cycles qui se succèdent au cours du sommeil :

• Pendant les “phases” de sommeil lent, on observe une sécrétion maximale de l'hormone de croissance qui joue un rôle important dans la régulation de la croissance, mais aussi dans la reconstitution des protéines indispensables au bon fonctionnement de l'organisme et à la récupération des fatigues physiques (physiologiques).

• Pendant les “phases” de sommeil paradoxal (c'est une “phase” de rêves, fantasmes, cauchemars… en d'autres termes, une sorte de soupape de la vie affective et sexuelle : nous “mettons alors en scène” des peurs, désirs, tabous, interdits sociaux…qui peuvent nous permettre de mieux accepter les “contraintes” affectives, sexuelles et sociales de la “vie courante”), il y a facilitation de la mémorisation et consolidation des apprentissages.

Le rythme veille/sommeil des enfants

Il est donc important de respecter et protéger le rythme veille/sommeil des êtres humains, en particulier les enfants, quelles que soient leurs particularités. S'agissant de ceux qui sont accueillis à l'école maternelle entre trois et six ans, parfois à partir de deux ans ou deux ans et demi, le rythme veille/sommeil comprend le plus souvent un long épisode de sommeil nocturne et un épisode de sommeil diurne à la mi-journée. Mais, chaque enfant a une “carte d'identité” veille/sommeil qui ne ressemble à aucune autre, pas même à celle, au même âge, de ses frères et soeurs ou de ses parents. Selon les enfants, la durée du sommeil nocturne varie le plus souvent entre sept heures (ils sont dits “courts dormeurs”) et douze heures (ils sont dits “longs dormeurs”).

Dans la soirée, les signes qui annoncent et préparent l'endormissement sont observés entre 19 h et 22 h selon les enfants et selon les jours (bâillements, affalements sur la table ou le sol, étirements, fermetures et clignotements des yeux…). Le matin, les enfants mettent plus ou moins de temps à finir de se réveiller, c'est-à-dire à devenir vigilants, attentifs à l'environnement, réceptifs et disponibles. Il faut à la plupart au moins une à deux heures, parfois deux à trois heures, pour être “bien réveillés”. La durée de la sieste est également variable d'un enfant à l'autre, et d'un jour à l'autre (trente minutes, une ou deux heures, deux à trois heures…).

C'est aussi ce qu'on observe pour l'endormissement (11 h 30, 12 h, 13 h...). Certains enfants ont encore deux épisodes de sommeil diurne : le premier entre 8 h 30 et 9 h 30 (lorsque les enfants se sont réveillés vers 6 h 30-7 h) et le second à la mi-journée. Il arrive même que quelques-uns présentent un troisième épisode de sommeil autour de 16 h-17 h. Il faut donc respecter les particularités du rythme veille/sommeil de chaque enfant, sans le comparer à celui des autres, et sans essayer de le modifier, à la fois dans le milieu familial et à l'école maternelle, ou encore au centre aéré. Dans la soirée, on facilite l'endormissement en proposant aux enfants un moment de blottissement, d'apaisement et de sécurité affective (sentiment de ne pas être abandonné, délaissé, oublié, maltraité, en danger) au cours duquel il puisse évacuer ou atténuer ses peurs, blocages affectifs et inhibitions.

C'est un moment qui se prête à “l'immersion” dans les contes, comptines, berceuses, “histoires” non stressantes sur des animaux ou des personnages mythiques et rassurants. Le matin, quand les parents sont sous la contrainte d'horaires professionnels, ils doivent “apprendre” à ne pas réveiller l'enfant au “dernier moment” avant de quitter le domicile, même s'il ne s'est pas alimenté.

Hauts et bas de la vigilance

C'est à l'école maternelle de s'organiser pour proposer une collation aux enfants qui n'ont pas pris de petit déjeuner, et qui ont besoin de plus de temps que les autres pour “finir de se réveiller”. Elle doit attendre que tous soient vigilants, attentifs, réceptifs et disponibles pour tenter de mobiliser leurs capacités de traitement de l'information et leurs ressources intellectuelles, et pour qu'ils puissent accepter d'entrer dans les interactions sociales avec leurs différents partenaires.

Le temps fort de la vigilance se situant entre 9 h 30 et 11 h, c'est dans ce créneau qu'il faut proposer aux enfants toutes sortes d'activités qui peuvent leur permettre de développer leur motricité, leur sensorialité, leurs systèmes de communication, leur langage oral, leurs processus de socialisation, leurs processus cognitifs, leur “fonctionnement” intellectuel… La pause méridienne se caractérise par une diminution de la vigilance cérébrale, une augmentation de la sécrétion de la mélatonine (dite hormone du sommeil), et une augmentation du rythme cardiaque.

Elle doit donc être conçue comme un temps de détente, d'apaisement, de non-stress, d'activités calmes… et de sommeil quand le rythme veille/sommeil comporte encore une sieste. Toutes les écoles maternelles devraient donc disposer d'un lieu de restauration non bruyant, avec un minimum d'allées et venues dérangeantes, de bousculades et de conflits insécurisants, et d'un lieu calme qui se prête à l'endormissement et à un épisode de sommeil non interrompu. Les activités pédagogiques peuvent

reprendre vers 14 h 30 ou 15 h selon les enfants et selon les jours, et s'achever vers 16 h pour être suivies d'un moment personnalisé au cours duquel chacun puisse choisir une activité ou “un temps à ne rien faire” avant de retrouver son ou ses parents, ou encore la personne familière qui en a la responsabilité. Le créneau de 16 h-17 h à 19 h est un très bon moment pour les activités ludiques très dévoreuses d'énergie et pour les activités sportives.

C'est en effet un temps fort du métabolisme, avec une augmentation de la température corporelle, une augmentation de la force musculaire et une optimisation des coordinations motrices.

Renforcer la sécurité affective

Dans la semaine, le plus mauvais jour est le lundi après deux jours de temps et d'activités, souvent imposés par la famille, qui perturbent le rythme veille/sommeil, la vigilance, les capacités d'attention, la réceptivité et la disponibilité des enfants, et qui ne leur permettent pas de s'installer dans la sécurité affective. C'est aussi ce qu'on observe les lendemains de jours fériés.

Tout au long de la semaine, il faut à chaque enfant un rythme veille/sommeil régulier et aussi, tous les jours, des relations avec la mère, le père, la fratrie, l'enseignant, l'aide maternelle, les pairs… qui lui permettent de s'installer et de se renforcer dans la sécurité affective.

Et ainsi, de dépasser ses peurs, son anxiété et ses angoisses, de prendre confiance en soi et dans les autres, de développer l'estime de soi, de libérer ses émotions dans des bains de langage oral et d'interactions accordées (les ajustements de comportements, d'émotions, d'affects et de rythmes d'action), de libérer ses processus cognitifs et ses capacités d'apprentissage.


Hubert Montagner, Docteur ès sciences,

ancien directeur de recherche à l'INSERM et professeur des universités

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