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Marine Quenin, déléguée générale d’Enquête, une association qui conçoit et diffuse des pédagogies et outils ludiques d’éducation à la laïcité et aux faits religieux, a lancé voici huit ans "L’arbre à défis", qui répond au programme d’EMC du premier degré. Elle vient de sortir une séquence de quatre heures sur la liberté d’expression pour les collégiens de la 5ème à la 3ème.

Pouvez-vous nous présenter votre association ?

L'association Enquête, que j'ai cofondée en 2010, conçoit et diffuse des pédagogies et outils ludiques d'éducation à la laïcité et aux faits religieux. Elle veut développer chez les enfants un rapport apaisé et réfléchi à ces sujets à travers plusieurs objectifs : évoquer ces sujets sensibles en dehors des temps de crise et créer des espaces où l'on puisse en parler sereinement, montrer les différences entre le savoir et le croire, et prendre conscience de l'existence d'une pluralité de convictions et de leur diversité interne.

Il s'agit d'apprendre, avec les enfants, à parler du religieux dans le champ des connaissances, ce qui amène à parler de laïcité assez naturellement. Le but est qu'ils comprennent qu'il y a un cadre juridique permettant de croire, de ne pas croire, de changer de conviction si on le souhaite et de pratiquer librement, dans le respect des règles existantes.

À quels niveaux scolaires vous adressez-vous ?

Nous nous intéressons surtout aux CM1-CM2 qui ont une capacité à réfléchir sur des faits abstraits et sont souvent oubliés quand on évoque ces sujets. Lancé en 2014 « L'Arbre à défis », un de nos outils répond au programme d'EMC du premier degré qui prévoit une heure par semaine. Nous proposons une séquence en douze séances, soit le volume d'un trimestre. Il s'agit d'un jeu où les élèves vont préparer en équipe des défis pour les autres élèves. Ils travaillent la différenciation entre les notions de "savoir et croire", le vocabulaire, comprennent les différences entre athée, catholique, juif et musulman, mais aussi entre nationalité et conviction…

Dans les ateliers hors école que nous animons depuis 2014, nous avons touché environ 1000 enfants par an. Mais afin de permettre à un plus grand nombre d'enfants d'aborder sereinement ces sujets sensibles, nous avons ensuite formé plus de 10 000 professionnels éducatifs. Notre objectif est de faire que tout éducateur ou enseignant, là où il est, puisse aborder avec sérénité ces sujets en cohérence avec ses missions. Ainsi, nous formons des conseillers pédagogiques : par exemple, l'an dernier, un CP par circonscription à Créteil, et cette année, à Paris. Nous sommes complémentaires des plans nationaux de formation sur la laïcité, en apportant aux enseignants des propositions pédagogiques.

Vous venez de sortir une séquence pour le collège. En quoi consiste-t-elle ?

Nous venons de développer une séquence pédagogique adaptée aux élèves de 5ème, 4ème et 3ème pour laquelle nous avons travaillé durant trois ans avec l'association d'éducation aux médias et à l'information "Entre les lignes". Accompagnés par leurs enseignants, les élèves, en petit groupe et en classe entière apprennent à réfléchir sur le cadre de la liberté d'expression et son articulation à la démocratie ; sur ses déclinaisons dans le champ des faits religieux ; sur l'utilisation réfléchie et responsable par chacun de sa liberté d'expression.

La séquence s'adresse aux enseignants de collège, aux professeurs d'histoire-géographie. Elle se déroule en quatre séances d'une heure et vise à faire réfléchir les élèves sur les questions de la liberté d'expression ("ce que c'est") et sa déclinaison dans le champ du religieux. Ce sont des séances très guidées avec des outils en ligne, qui proposent par exemple de réfléchir à partir de témoignages audios

Quel est l'état d'esprit des enseignants sur ces questions actuellement ?

Lors de nos échanges réguliers avec eux, ce qui les inquiète en premier lieu est de mal faire par rapport aux élèves et aux parents. Leur question principale me semble être : "Comment puis-je investir un positionnement cohérent avec ma mission et amener mes élèves à réfléchir sans les influencer ?". Sur notre site internet, nous mettons à disposition des outils pour identifier des réflexes à acquérir et des astuces pour se lancer.

Comme ces questions sont très complexes, nous prônons une pédagogie du questionnement plus qu'un savoir formel d'enseignement, afin que l'éducateur garde toujours en tête ces objectifs : différencier ce qui relève du savoir et ce qui relève du croire, souligner la pluralité et la diversité interne (« est-ce que tout le monde croit et/ou fait de la même façon ? »).

Je tiens à répéter que nos outils ne sont pas une réponse directe à la crise actuelle, mais une réponse à long terme pour dire que la laïcité n'est pas contre les musulmans, que les gens ne seront peut-être pas d'accord entre eux concernant leurs convictions et que l'on peut être attaché à ses croyances…  mais qu'il est possible d'en parler et que le cadre de la laïcité permet la coexistence pacifique de ces désaccords. Nous ne faisons pas de prosélytisme et évoquons toutes les convictions avec respect. On peut parler de Jésus ou Moïse à l'école, si on se tient au champ des connaissances ce qui permet, par exemple, de comprendre pourquoi les élèves sont en vacances à Noël. Notre objectif est que l'enseignant donne des connaissances sur des croyances, aide à comprendre le monde et les faits religieux.

L'idée est de dégonfler les inquiétudes en partant par le "faire". Les enseignants peuvent se mettre d'accord sur des objectifs pédagogiques visés avec les enfants.

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