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atelier d'écriture © DR
L’enseignante de maternelle Sophie Braillon profite de la préconisation officielle de travailler en compétences pour revoir ses ateliers et y intégrer la pédagogie différenciée. Explications.
Lorsque les 30 élèves de Petite et Moyenne Sections de Sophie Braillon pénètrent ce matin dans leur classe, ils ne sont pas surpris de découvrir une série d'ateliers déjà préparés sur différentes tables. C'est l'une des caractéristiques de la pédagogie différenciée, telle que l'enseignante la met en œuvre : proposer aux élèves de travailler sous forme d'ateliers, sur des compétences clairement identifiées.
“Je voulais sortir des quatre ateliers classiques graphisme, écriture, etc, avec lesquels je n'arrivais pas à gérer les différences physiologiques et de maturité de chaque enfant, qui se ressentent encore plus dans une classe à double niveau, et le cas plus particulier des enfants en difficulté”, explique l'enseignante. Les nouveaux programmes de 2008 qui revendiquent désormais un travail par compétence sont l'occasion rêvée pour remettre à plat ses pratiques de classe.
“J'ai commencé par deux domaines, qui étaient pour moi une évidence. Dans le graphisme d'abord, certains enfants ont encore besoin de manipuler, ne savent pas tenir leur crayon alors que d'autres sont déjà dans la motricité fine. Dans les mathématiques ensuite, et notamment la numération, certains élèves savent compter jusqu'à 3, voire jusqu'à 15, parfois même sont capables de reconnaître les quantités alors que d'autres sont encore en difficulté avec la reconnaissance des chiffres. Proposer une seule activité dans ces contextes perdait de sons sens et se heurtait à la gestion d'un double niveau.” L'idée d'ateliers, répartis en sous-compétence, avec une progression, s'impose.
Très vite, l'enseignante mesure les bienfaits de cette pédagogie différenciée et l'étend à l'ensemble des compétences devant être travaillées à la maternelle. D'une part, l'enfant qui a acquis un apprentissage peut continuer de progresser. D'autre part, celui qui est en difficulté, qui fait semblant d'avoir compris ou reste tout simplement passif durant l'activité est plus rapidement repéré et donc pris en charge. “Je sais que je vais, au moins une fois dans la journée, m'adresser individuellement à chaque enfants.”
Des ateliers pour apprendre à reconnaître les lettres de l'alphabet
Ce matin donc, les enfants vont continuer de travailler sur les compétences autour de la découverte de l'écrit. Lorsque tous les enfants sont arrivés et que la classe peut commencer, l'enseignante demande l'attention de tous : “Aujourd'hui, nous allons poursuivre les activités pour apprendre à reconnaître les lettres de l'alphabet. Les enfants qui ont commencé à dessiner ou à jouer rangent le matériel et rejoignent les ateliers.” L'enseignante veille tout particulièrement à verbaliser chaque apprentissage. Elle demandera d'ailleurs régulièrement aux enfants de leur expliquer ce qu'ils sont en train de travailler, et pourquoi.
Pauline, Garance et Ella se sont installées à l'atelier des mots. Avant de commencer l'activité, elles ont veillé à cocher chacune leur prénom sur la feuille d'inscription. Elles peuvent alors commencer l'activité. Chacune prend au hasard une bandelette en papier plastifié sur laquelle est inscrit un mot en majuscule. Elles doivent recomposer le mot à l'aide des lettres mobiles rassemblées dans une boite. Elles sont déjà familiarisées avec cet exercice qui ne semble plus leur poser de difficultés. Juste à côté, Asser, Paul, Basile et Arthur ont pris place à l'atelier “loto des lettres”. Lila s'approche et demande à se joindre à eux, les quatre participants se décalent pour la laisser s'asseoir.
Sophie Braillon s'est rapprochée du groupe et les interroge : “Pourquoi jouez-vous ?” “Pour essayer d'apprendre à reconnaître les lettres”, répond en premier Basile. “Je sais que certains d'entre vous les reconnaissent déjà très bien, vous pouvez alors vous amuser à les nommer. Paul, puisque tu es aujourd'hui le meneur de jeu, je veux bien que tu expliques à Lila les règles, c'est la première fois qu'elle participe.” Après avoir donc expliqué à la petite fille le fonctionnement de cet atelier, l'activité peut commencer. Paul en tant que “meneur de jeu” tire une lettre au hasard dans la boite, le premier enfant qui la retrouve sur sa grille de lettre la prend. Celui qui a en premier rempli correctement sa grille a gagné. “L'enfant qui est déjà dans la posture d'élève peut devenir meneur de jeu, explique l'enseignante en aparté. Mais je veille à ce que ce ne soient pas toujours les mêmes élèves. Je croise ainsi la compétence travaillée avec le devenir élève”.
Tout en poursuivant son chemin d'atelier en atelier, l'enseignante interpelle les enfants qui semblent oisifs. “Alban, je vois que tu n'as pas encore choisi d'atelier, qu'aimerais-tu faire ce matin ? Veux-tu rejoindre les filles à l'atelier d'écriture ?” L'enfant est d'accord et s'installe. “Sais-tu ce que tu dois faire ? Qu'indiquent les gommettes ?” Le garçon a bien compris qu'il doit coller sur un plan simplifié de Paris quatre gommettes correspondant à des lieux précis - l'école, L'Arc de Triomphe, la Tour Eiffel, la Seine – et écrire leur nom. “Si tu as des difficultés à retrouver leur emplacement, tu peux t'aider des travaux de tes camarades”, lui indique Sophie Braillon. Cet atelier en particulier a été développé en lien avec le projet de classe sur la découverte du quartier. “C'est venu d'une suggestion des enfants qui voulaient écrire les noms des monuments”, précise l'enseignante. De même que l'idée d'écrire “PARIS” en capitale au-dessus du plan a été proposé par un élève de la classe.
Un peu plus loin, Arabella et Bella se sont installées à l'atelier de l'alphabet. Elles doivent reconnaître les lettres mélangées à des chiffres inscrites sur une grille puis les reproduire à l'aide de lettres mobiles. Un autre atelier a été construit à même le sol, il s'agit du jeu de l'abécédaire des animaux. Chaque enfant doit piocher une lettre et la disposer à l'endroit correspondant sur l'abécédaire. Chaque lettre est illustrée par un mot correspondant, par exemple “T – tortue”. Trois autres ateliers ont encore été préparés : le coin des abécédaires, que les enfants aiment particulièrement feuilleter, le circuit des lettres et un nouvel atelier découvert ce jour (bandes de mot à associer à la bonne boite).
Une démarche claire et comprise
L'heure de la récréation approchant, les enfants sont invités à ranger les ateliers puis à se réunir au coin regroupement. “Qu'avons-nous appris ce matin ?”, demande à nouveau l'enseignante. “J'ai joué avec le circuit des lettres”, répond Luca. “D'accord, mais pourquoi as-tu joué au circuit des lettres ?”, insiste-t-elle. Léo l'aide à répondre : “C'est pour reconnaître les lettres de l'alphabet.” L'enfant doit être capable non seulement d'expliquer le jeu mais de donner l'objectif de celui-ci. De son côté, l'enseignante s'astreint à utiliser le lexique approprié à chaque situation. Cette attention particulière sur la verbalisation a de ce fait des incidences très positives sur le langage, autre compétence travaillée ainsi de façon transversale.
Sophie Braillon montre aux élèves plusieurs boites transparentes sur lesquelles est écrit pour chacune une lettre (en capitale, en script et en cursive), et des bandes sur lesquelles sont écrits des mots illustrés par une image. “Aujourd'hui, il y a eu un nouvel atelier, qui peut me l'expliquer ?” Garance se lance : “Quand on a trouvé la première lettre du mot, on met la bande dans la boite où il y a la même lettre.” Et comment s'appelle cette première lettre ? “C'est l'initiale”, répond justement Léo. Tous les mots à classer sont connus des enfants, ils les ont appris en travaillant sur leur quartier. “J'ai volontairement proposé cet atelier à un groupe d'enfants, dont je savais qu'ils allaient l'assimiler rapidement. Chacun d'eux pourra ainsi, à son tour, l'expliquer à un autre enfant qui souhaiterait y participer.” C'est le principe de l'entraide et du monitorat prôné dans la pédagogie différenciée.
Une évaluation en continu
À l'issue de la séquence, Sophie Braillon pourra vérifier, à l'aide des fiches d'inscription, que chaque enfant a participé à un atelier (au moins). “Si l'enfant a déjà acquis la compétence travaillée dans tel atelier, il n'est pas obligé d'y participer. Je peux en revanche y conduire un enfant dont je sais qu'elle n'est pas encore acquise. Et l'enfant peut y revenir aussi souvent qu'il le souhaite.”
Pour évaluer les progrès des élèves dans les apprentissages, Sophie Braillon dispose de deux outils : le classeur des savoirs et le système des brevets :
“Le classeur est un outil collectif, élaboré ensemble en temps de langage, il répertorie la compétence qui a été acquise, par exemple : Je sais reconnaître les lettres de l'alphabet. Le brevet permet de situer individuellement les apprentissages. Il indique la compétence à acquérir et les niveaux de compétence. Lorsque la compétence est validée, l'enfant colorie 1, 2 ou 3 étoiles. Certaines acquisitions de compétence sont datées, car pouvant s'étaler sur une année. Par exemple apprendre à écrire son prénom.”
Chacun à leur rythme, les élèves seront ainsi capables de dissocier graphisme / lettre / chiffre, puis de nommer la lettre, de la reconnaître, de la mettre dans le bon sens, de savoir l'écrire pour in fine être capable d'écrire un mot. “Avoir recours à la pédagogie différenciée me permet à la fois de gérer l'hétérogénéité et mieux cibler les apprentissages”, conclut Sophie Braillon.
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