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Cette recherche collaborative a été menée au printemps 2022, auprès de plus de 80 enseignants de collège. Ainsi, plus de 3000 élèves ont pu contribuer à cette recherche collaborative autour des fake news en collaboration avec le Laboratoire de Psychologie du Développement et de l’Education de l’Enfant (LaPsyDE - CNRS).

Retour sur la recherche menée

Le but de cette étude était de tester l'effet de deux interventions pédagogiques sur la capacité des élèves à distinguer les vraies des fausses informations : une intervention de type EMI (éducation aux médias et à l'information), et une intervention EMI + Résistance Cognitive. Chaque classe a suivi uniquement l'une ou l'autre de ces interventions. Dans chacune des interventions, les élèves étaient encouragés à prendre en compte différents éléments en lien avec l'information pour juger de sa véracité, tels que l'auteur, l'objectif de l'auteur, le site ainsi que le contenu de l'article. L'intervention EMI + Résistance Cognitive, quant à elle, a permis aux élèves, en plus de ces éléments, de découvrir la théorie des trois systèmes de pensée et la façon dont elle peut être appliquée à l'évaluation des informations. Les élèves ont ainsi été amenés à distinguer :

  • Le système 1 (heuristique), qui est un système intuitif, rapide et le plus souvent efficace mais qui peut nous amener à faire des erreurs de raisonnement et de jugement.
  • Le système 2 (algorithmique), qui est plus lent, demande plus d'efforts cognitifs, mais est plus fiable et aboutit à un raisonnement logique et à un jugement plus rationnel.
  • Le système 3 (inhibition), qui permet, si besoin, et comme cela est souvent le cas quand il s'agit d'évaluer des informations, de résister au système 1 pour activer le système 2 et donc d'aboutir à une pensée plus analytique et délibérative.

Différentes tâches ont été proposées aux élèves, dont :

  1. Une tâche de discernement de la véracité des informations, dont le but est de mesurer la capacité des élèves à distinguer entre les vraies et les fausses informations. Les élèves devaient ainsi juger de la véracité de 16 informations sur une échelle de 1 (pas du tout vraie) à 4 (tout à fait vraie). Ces informations relevaient de thématiques différentes (écologie, culture, société, santé). 
  2. Un questionnaire mesurant l’adhésion à des théories complotistes, dans lequel les élèves devaient indiquer, sur une échelle de 1 à 7, à quel point ils étaient d’accord avec des assertions complotistes très générales.

Ces tâches ont été complétées à 3 moments différents de l’expérimentation :

  • Une semaine avant l’intervention (pré-test)
  • Une semaine après l’intervention (post-test 1)
  • 7 semaines après l’intervention (post-test 2)

Les résultats obtenus

Pour la tâche de discernement de la véracité des informations, nos analyses statistiques ont montré que :

  1. L’intervention EMI n’a pas eu d’effet particulier sur la capacité des élèves à distinguer les vraies des fausses informations. 
  2. L’intervention EMI + Théorie des 3 systèmes de pensée a quant à elle amélioré la capacité des élèves à distinguer entre les vraies et les fausses informations en post-test 1 (1 semaine après l’intervention) en prenant l’ensemble de l’échantillon.
  3. Cette amélioration est due plus spécifiquement à une meilleure évaluation des fausses informations : les élèves les considéraient comme moins vraies en posttest 1 comparé au prétest. 
  4. Néanmoins, cet effet retrouvé sur les fausses informations à moyen terme (1 semaine après l’intervention) ne s’est pas maintenu à plus long terme (7 semaines après l’intervention). 
  5. En outre, un doute vis-à-vis des vraies informations a émergé à long terme : les élèves les considéraient comme moins vraies 7 semaines après l’intervention. 
  6. Il en résulte que la capacité de distinguer entre le vrai et le faux dans les informations a significativement diminué à long terme. 
  7. Il faudrait néanmoins noter que, bien que les élèves aient eu tendance à douter davantage des vraies informations en posttest 2, ils ne les considéraient pas pour autant comme fausses.

Des analyses statistiques complémentaires ont également révélé que :

  1. Les effets de l’intervention EMI + Théorie des 3 systèmes varient selon le niveau scolaire :
    • Chez les élèves de 6e, nous n’avons pas observé d’effets particuliers.
    • Les élèves de 5ᵉ ont quant à eux montré une amélioration significative en post-test 1, sans augmentation du doute vis-à-vis des vraies informations en post-test 2.
    • Les élèves plus âgés (4ᵉ et 3ᵉ) sont ceux qui ont vu leur capacité de discerner entre les vraies et les fausses informations diminuer en post-test 2.
  1. Enfin, des différences interindividuelles ont été retrouvées. Notamment, les élèves avec des capacités initiales de discernement de la véracité plus faibles – autrement dit, ceux qui avaient le plus besoin d’une intervention – sont ceux qui ont davantage bénéficié de l’intervention EMI + Théorie des 3 systèmes. Dans une perspective de lutte contre les inégalités éducatives, ce résultat est très encourageant.

Pour le questionnaire de complotisme, l’adhésion aux théories complotistes a diminué entre le prétest et le posttest 1, et cette diminution s’est maintenue en posttest 2, indépendamment du type d’intervention.

En conclusion, nos résultats révèlent le potentiel des interventions EMI menées dans le cadre de la théorie des trois systèmes de pensée à renforcer la capacité de discernement de la véracité chez les collégiens en diminuant leur adhésion aux fausses informations. Néanmoins, le défi qui se pose concerne les vraies informations. L’enjeu pour les prochaines études serait donc de tenter d’éviter un doute généralisé (autrement dit, un doute vis-à-vis des vraies informations en même temps que des fausses). Une telle augmentation du doute vis-à-vis des vraies informations a été retrouvée dans plusieurs études menées chez les adultes mais a été rarement recherchée chez les adolescents. Enfin, notre étude suggère l’importance d’ajuster les interventions en fonction de chaque niveau scolaire plus spécifiquement. 

Nous vous remercions encore d'avoir participé à ce projet, qui contribue à déterminer les pistes les plus pertinentes pour aider les collégiens à mieux évaluer les informations.