Pour avoir accès à cette ressource, vous devez être prescripteur de ce produit


Pour avoir accès à cet article, vous devez posséder ce produit : Veuillez répondre à la question ci-dessous pour accéder à ce complément produit.


Analyse thématique, La salle des profs Nathan, les bienfaits de la classe dehors

Laura Nicolas, enseignante-chercheure en sciences de l'éducation et du langage à Université Paris-Est Créteil (UPEC) et créatrice d’une association en Sologne, détaille les pratiques de la classe dehors qui s’adresse à tous les enseignants, même les urbains. Moins de stress, davantage de concentration et d’autonomie côté élèves, constatent les enseignants qui ressentent un plus grand bien-être et de meilleures interactions avec les enfants. Des bénéfices variés et validés par les études scientifiques. À partager avant de prendre une grande bouffée d’air avec sa classe !

Pouvez-vous nous donner une définition de ce qu'est la classe dehors ?

Je l'englobe dans les pratiques qu'on peut nommer comme « l'éducation par la nature ». C'est "l'ensemble des pratiques scolaires ou non scolaires ayant lieu dans « un environnement végétalisé, minéralisé et animalisé » et visant à mettre directement, cognitivement et sensoriellement, les enfants en relation avec cet environnement" (1).

Les trois éléments-clés de la démarche « classe dehors » sont, à mon sens : une immersion en nature, le fait qu'on y mène des apprentissages/du développement quelles que soient leurs formes, et la texture finalement de cet accompagnement qui s'ancre dans cette démarche. Celle-ci n'est pas nouvelle et je pense aux pionniers de l'école nouvelle -Freinet, Decroly, Montessori-, à Dewey et à son travail sur l'expérientiel, et tout ce qui est, plus récemment, reconnu par les neurosciences comme la prise en compte de l'émotionnel, du sensoriel, du corps, etc.

Une autre définition est proposée par le Groupe Départemental Classe Dehors 79, et va déjà dans une proposition de pratiques spécifiques. Selon cette définition, "faire classe dehors est une démarche pédagogique volontaire, choisie par l'enseignant.e pour faire la classe. Il s'agit d'une pratique d'enseignement réfléchie, organisée et qui implique une régularité hebdomadaire toute l'année. Elle se déroule dans des milieux variés proches de la classe (dans l'enceinte de l'école ou en dehors). Dans cette démarche d'éducation globale, toutes les compétences des programmes scolaires peuvent être mobilisées. L'enseignement dehors est complémentaire de la classe entre les murs et se distingue de la simple sortie scolaire ponctuelle. Elle met en exergue l'importance de l'exploration sensorielle. Le « jeu libre » ou « approche par la liberté », situation déclenchante de nombreux apprentissages, y a une place privilégiée."

Quels sont les bienfaits de la classe dehors ?

Les enseignants ont la conviction que les enfants sont heureux dehors, une impression qui est corroborée par des études scientifiques. Pour parler des impacts sur l'apprentissage, nous avons la réussite scolaire (meilleure mémoire, meilleurs résultats aux tests, meilleures notes en maths et écriture en particulier…), la partie développement personnel (amélioration de la communication, pensée critique et résolution de problèmes améliorée, meilleures compétences de direction…) et un focus sur l'empathie que je ferai durant la conférence en ligne. C'est-à-dire le renforcement du lien avec la nature, le sens des valeurs environnementales plus ancrées et un plus grand comportement pro-environnemental.

Durant une classe dehors, les élèves sont plus concentrés, moins stressés, plus engagés et actifs physiquement. Le contexte d'apprentissage est plus chaleureux et amène à davantage d'autonomie, du fait des éléments de nature qui sont présents.

Tandis que la recherche insiste sur les bénéfices pour les apprenants, je vais insister durant la conférence sur les effets sur les enseignants, qui sont les piliers de cette démarche. Je suis en plein dépouillage de questionnaire mené auprès de 88 collègues et ils constatent que les interactions sont améliorées avec leurs élèves et donc un impact sur leur bien-être ressenti.

J'ai vu également la notion de plaisir revenir dans le discours des enseignants, le fait qu'ils ont retrouvé des sensations vécues en tant qu'enfant ainsi que le sentiment de surprise par rapport à la somme de travail effectué.

En quoi consiste "la classe dehors" ?

On ne va plus sortir le tableau noir et des chaises comme au début du vingtième siècle ou l'on fait de la lecture sous un chêne. Mais le fait de faire dehors ce qu'on fait habituellement dedans et de prendre l'air constitue ce qu'on pourrait appeler le premier niveau de la classe dehors.

Le deuxième niveau serait de sortir de la classe et de la cour pour atteindre un milieu de proximité… Ne serait-ce qu'aller dans un potager ou dans le champ voisin pour les milieux ruraux. Tous profitent du chemin pour aller sur le lieu et les enseignants se servent du chemin pour amener des découvertes, surtout pour les collègues en milieu urbain. On est sortis du milieu scolaire mais on peut réaliser des activités scolaires comme compter des bâtons, ordonner en grandeur, etc.

Un troisième niveau, qui n'est pas forcément lié au milieu lointain, peut être de gérer la classe (en fin de cycle 2 et cycle 3) avec une prise en charge du lieu. Cet espace va être notre maison : comment peut-on intervenir pour amener des graines aux oiseaux, aménager l'espace ? Ce sont de véritables projets de classe qui peuvent donner lieu à des présentations de fin d'année.

J'aime bien dire qu'il n'y a pas une classe dehors identique car, comme pour tous les contextes d'enseignement, il y a une multitude de paramètres : l'âge des enfants, leur personnalité, leurs envies, l'humeur des enseignants, le milieu choisi pour faire classe, la saison, le moment de l'année en vue du programme ou encore la matière scolaire choisie…

Pouvez-vous présenter différentes pratiques ?

Quelques démarches entrent classiquement dans la pratique :les rituels d'arrivée et de fin, la délimitation de l'espace, l'alternance entre le jeu libre et les activités dirigées, l'alternance typiquement scolaire et non scolaire, les apprentissages par le jeu et la collaboration. On va voir également amplifiée la prédominance des activités liées à la matière (la boue…) et aux sens comme secouer des graines dans une boîte et écouter la musique que font ces graines…

Je mets beaucoup l'accent sur la dimension progressive de la pratique par les collègues. Ils me demandent : « Est-ce que je peux commencer quand il fait beau ? » S'ils le font une fois par mois, c'est déjà énorme. Tout ce qui va être connexion à la nature est superbe : faites ce que vous pouvez aujourd'hui. Je rassure les collègues pour qu'ils prennent en compte leurs besoins et leurs envies.

À quels niveaux s'adresse la classe dehors ?

Aujourd'hui, nous allons avoir un maximum d'enseignants du cycle 1 parce que les axes du programme de maternelle s'adaptent parfaitement à la classe dehors. Il y a moins de matériel à transporter, on a moins de matériel craignant la pluie, l'enfant peut passer trois heures sur 1m2 de forêt. En cycle 2 et 3, l'enseignement dehors est extrêmement riche en développement des apprentissages des matières scolaires. Mais cela demande aux collègues davantage de didactisation en amont et de mise en lien avec les programmes. Cela demande un réinvestissement avec les classes dedans qui est une habitude à prendre.

Pour les collègues du second degré, les questions se posent dans les matières scientifiques par exemple, c'est un projet d'établissement.

Comment en êtes-vous arrivée à travailler sur cette thématique ?

Rétrospectivement, je vois deux vecteurs principaux dans mon histoire. Le premier est professionnel. Je suis chercheure en sciences du langage et de l'éducation et je travaille depuis presqu'une quinzaine d'années sur les dimensions-clés de ce qu'on peut appeler « l'agir professoral », c'est-à-dire les caractéristiques des pratiques des enseignants. Dans mon domaine d'origine qui est l'enseignement des langues et cultures, j'ai, par exemple, travaillé dans ma thèse sur la manière dont les enseignants « font collectif » dans leur gestion de groupe, comment ils pensent à tout le monde tout le temps ! Je travaille également sur la dimension immersive de l'apprentissage des langues, sur l'ancrage dans le milieu et sur l'éducation au développement de l'empathie dans les relations. Il y avait déjà un terrain fertile sur les grands concepts qui se retrouvent dans la pédagogie de la classe dehors : l'accompagnement du groupe classe par les enseignants, la dimension immersive, relationnelle de l'apprentissage.

La dimension proprement « nature » a toujours été personnellement là et c'est le second axe, plus personnel, qui s'est ensuite ajouté au professionnel. Je suis une enfant de la forêt, j'ai grandi et j'habite dans le centre de la France, en forêt de Sologne et je suis une fanatique des animaux. Il y a cinq ans, je me suis installée sur un lieu qui se prêtait à l'accueil des enfants et à la formation des adultes et j'ai commencé à pratiquer l'école-forêt et la formation d'enseignants sur cette thématique, ça rejoignait ce que j'avais l'habitude de faire en milieu plus institutionnel mais cette fois dans le milieu associatif.

Vous avez créé une association "Sologna nature et culture". Quelles sont ses missions ?

Il s'agit d'une petite association que j'ai créée et où je suis bénévole. Elle est liée avec une université populaire sur les grandes questions éducatives forestières et naturalistes. Nous avons un accueil péri-scolaire d'enfants que je mène avec des bénévoles et animateurs nature. Par-dessus vient s'ajouter la formation aux adultes intéressés par ce type de pédagogie qui comprend une formation en ligne et une partie de stage expérientiel de cinq jours avec les adultes et leurs enfants.

1 - L'éducation par la nature : théories, pratiques et formations par Laura Nicolas et Virginie Boelen, Le Manuscrit, 2024.

- Toutes les informations sont sur le site Sologna 

- Site ressource : Ma Petite Forêt

- Formation en ligne : Faire classe dehors

- Stages : Ma Petite Forêt stages paratiques

- Ouvrage : L'Education par la nature : La Compil'