Pour avoir accès à cette ressource, vous devez être prescripteur de ce produit


Pour avoir accès à cet article, vous devez posséder ce produit : Veuillez répondre à la question ci-dessous pour accéder à ce complément produit.


À l'occasion de la sortie du livre Grande et petites histoires de l'école, de Françoise Davisse et Carl Aderhold, nous avons organisé une table ronde le 12 octobre 2022. Les deux co-auteurs du livre (également auteurs de la série documentaire de France 2 "Histoires d'une nation"), le journaliste Edwy Plenel, l'Inspecteur honoraire de l'Éducation Jean-Paul Delahaye, et l'enseignante formatrice Estelle Brénéol, ont partagé leur expérience et débattu autour de l'avenir de l'école.

Voir le replay

Trois témoignages pour vous inspirer

Souvenir de Daniel Pennac, écrivain

« Jules Pennacchioni, l'oncle Jules, était le frère de mon grand-père qui, lui, était né en 1857. C'était le prototype du hussard de la République. Ses méthodes pédagogiques ne seraient sans doute pas très appréciées aujourd'hui. L'oncle Jules était instituteur en Corse, à Pila Canale, qui se trouvait en face de Guargualé, le village familial. Entre les deux il y a un vallon, et l'oncle Jules allait sur son âne, tôt le matin, de Guargualé à Pila Canale où il enseignait aux petites classes, puis revenait le soir, à Guargualé. La fille de l'oncle Jules me racontait : “Quand papa rentrait, on regardait s'il était seul sur l'âne.” Parce que quelquefois, il revenait avec un gamin. Quand il n'avait pas ses effectifs, c'est que certains gosses étaient en train de travailler aux champs, employés par la famille. Alors il allait les chercher, dans les champs, les amenait par le colbac dans sa classe, et faisait cours. Si un gosse était à nouveau absent pour les mêmes raisons d'exploitation familiale, il “raptait” le gosse, et l'emmenait chez lui à Guargualé. Il allait ensuite trouver le père : “Tu reverras ton fils quand il aura son certificat d'études.” “J'ai vu défiler dans mon enfance, cinq ou six gosses raptés” me disait sa fille. »

Anecdote d'Estelle Brénéole, enseignante formatrice

« Hier, j'étudiais Une vie de Maupassant, et j'étais heureuse de voir l'envie qu'avaient mes élèves de découvrir la fin. Mais qu'arrive-t-il à Jeanne maintenant qu'elle a été trompée par Julien à deux reprises ? Mais que se passe-t-il ? On en vient à des questions qu'ils n'avaient pas osé poser avant. Ils voulaient savoir comment se passait l'accouchement puisque Jeanne accouche d'un petit Paul. Toute une partie du cours a finalement tourné autour de ça, mais de manière plus générale, sur la vie à cette époque. Tout d'un coup s'ouvre un espace où on peut échanger. On peut parler culture. On peut poser les questions qui nous taraudent et apporter des réponses qui vont les intéresser, sur leur vie, leur vie concrète, leur vie présente. »

Témoignage de Jean-Paul Delahaye, Inspecteur honoraire

« Je suis une exception consolante. C'est une expression que Ferdinand Buisson, le collaborateur de Jules Ferry, employait à la fin du XIXe siècle. Il considérait qu'étaient des exceptions consolantes les enfants du peuple, très peu nombreux, qui parvenaient à accéder à l'enseignement secondaire en tant que boursiers. C'étaient donc des exceptions. Et consolantes. Car dans un monde où les privilégiés s'étaient réservé les meilleures places, faire sortir de temps en temps un jeune du peuple pour l'amener dans l'enseignement secondaire, ça consolait le peuple. Un des siens allait bénéficier de l'enseignement secondaire ! Et puis ça consolait les privilégiés qui se donnaient ainsi bonne conscience, s'ils avaient eu mauvaise conscience, parce qu'ils avaient quand même laissé monter quelques enfants du peuple.Je me considère, effectivement, comme une exception consolante, parce que quand j'entre au collège de Neufchâtel-en-Bray en 6e, on n'est pas très nombreux. J'ai pu y entrer dans de bonnes conditions en étant boursier interne, c'est-à-dire totalement pris en charge. Ma mère n'aurait pas eu la possibilité de me payer ces études-là. »